Valéry Numa a encore frappé. Et fort. Tout le gratin de Port-au-Prince a répondu présent à son invitation pour la grande première de son dernier film “Arnaques en série”. Pardon. “Braquages en série”.
Le poster officiel du film "Braquages en série" |
Au Parc historique de la Canne-à-sucre, ce mercredi 17 avril 2019, un large et beau public a renoué avec le plaisir du cinéma sur grand écran. Un petit bonheur que des mordus du 7e art ont quasiment perdu depuis la fermeture successive des salles dans la ville qui en comptait plus d’une vingtaine au début des années 80. Mais le journaliste/réalisateur Valéry Numa a, encore une fois, mobilisé du beau monde pour cette grande première. Malgré l’habitude presque perdue, d’aller au cinéma.
Le pouvoir de convocation de Valéry Numa
Force est de reconnaitre que l’analyste politique de Radio Vision 2000 a un grand pouvoir de mobilisation. Le Parc historique de la canne-à-sucre, à Tabarre, était rempli à craquer. Certains ont sorti leurs plus beaux habits pour être témoins de cette première du film de celui qui est définitivement devenu un habitué de la production audiovisuelle en Haïti. Tout le monde semble s’être donné rendez-vous dans cet espace transformé en cinéma à ciel ouvert.
On comptait dans la foule, moult de personnalités importantes dans le monde artistique, des affaires et de la politique. On croisait par-ci, par-là des dirigeants de très grandes entreprises de la place et beaucoup de têtes influentes de la scène politique haïtienne. Des actuels et anciens ministres, comme l’ex-titulaire du ministère de l’Éducation nationale et actuel président du Partenariat Mondial pour l'Education (PME), Nesmy Manigat et son ancien premier ministre, Evans Paul; des dirigeants de parti politique, comme Éric Jean Baptiste, pour ne citer que ceux-là, ont assisté, au milieu du commun des mortels, à cette comédie, signée Platinum Production. Cette dernière, en association avec une société de construction a, pendant cinq minutes, permis au public présent de rêver, à travers une présentation 4D, d’un ciné (Platinum ciné) ultra moderne qui manque tant au paysage haïtien.
Produire malgré tout
L’absence des salles de ciné a aussi provoqué une nette diminution de la production cinématographique en Haïti. Alors que dans les années 2000, cette production avait atteint son apogée avec une avalanche de films qui sortait presque tous les deux mois. Mais peu avant 2009, le rythme de production cinématographique avait considérablement baissé. Et on parlait même de la mort du cinéma haïtien. Valéry Numa n’a pas baissé les bras, par contre. Même après cette létargie apparente du cinéma haïtien, il a tout bravé pour produire pour le 7e art. Il mérite, selon une admiratrice présente au Parc ce mercredi, le titre de héros, pour avoir produit un long métrage et deux documentaires pendant que les vaches sont extrêmement maigres. Mais il faut le reconnaitre, que le marketing a fait un travail remarquable, en témoigne la quantité de logos de sponsors qui défilait sur l’écran avant le lancement du film. Toutefois, cette dernière réalisation, ou le titre de celle-ci, ne remporterait aucune bonne note à cause des pinceaux qui se sont mélangés du point de vue de la sémantique.
Si vous avez vu “Diversion”, mettant en vedette, Will Smith et Margot Robbie, réalisé par Glenn Ficarra et John Requa, sorti en 2015, “Braquages en série” de l’expérimenté journaliste, Valéry Numa, en est la version haïtienne. Avec, bien entendu, les us, la manière et l’expérience haïtienne. Le plus grand hic, c’est le titre. Si on doit se tenir au sens familier de braquage qui suppose une attaque, vol… à main armée. Il n’y a eu aucun braquage tout le long du film. Le titre ne sied absolument pas avec l’histoire comptée pendant plus d’une heure et demi. Par contre le scénario est jalonné d’une série d’arnaques, adroitement et comiquement orchestrées, tout d’abord par un Greg, sûr de lui (Tijo Zenny, qui mérite la palme du meilleur acteur du film) et d’un Babas, naturel (Junior Rigolo, au meilleur de sa forme). Ensuite deux jeunes femmes se trouvant être les copines des deux escrocs, ont fait leur apparition active dans l’histoire.
Le casting peut être qualifié d’interessant avec entre autre, le vieux routier du grand écran en Haïti, Manfred Marcelin et l'artiste chanteur, Evens Jean. Le scénario, comique à souhait, au début, a fait des promesses que tout cinéphile averti et exigeant, prendrait, argent comptant. La technique, n’en parlons pas. C’est la carte de réussite du film.
Un début prometteur
Le directeur de photographie de cette production, qui est aussi le cadreur, Mackendy Jeune (Kenkenn) que le scénariste et réalisateur du film a fait venir des États-Unis spécialement pour le film, a remis un travail, frôlant la perfection. Rien n’est à reprocher sur la qualité des plans, variés et bien calculés. Sinon dans certaines scènes, intérieure nuit et extérieur nuit, la sensibilité choisie sur le capteur de la caméra a été trop élevée. Ce qui a, bien évidemment, donné des images avec des bruits optiques.
Le réalisateur semble être un obsédé des images de véhicules, de pneus… roulant sur l’asphalte. Vocation, son premier long métrage, a eu un début similaire. Tantôt une motocyclette, tantôt des pneus qui filent à vives allures sur le macadam. Ce sont ces mêmes types d'images qui ont ouvert le film, précédées d’un générique de défilement d’asphalte avec des rayures irrégulières de couleur jaune.
C’est un film comique. Il n’y a pas à sortir de là. Le rire, au début, viendra naturellement. “Je suis un super fan des meilleurs humoristes francophones. Je suis exigeant. Je ne ris pas des blagues clichées ou faciles. Durant les 15 premières minutes du film, j’ai ri naturellement et objectivement. Les répliques étaient pas toujours originales, mais elles étaient d’un comique élevé qui a provoqué chez moi des fous rires constants”, a exposé un assistant qui a pris place dans l’estrade VIP.
Il a dit vrai. Le scénario, au début, était ficelé avec droiture pour amener le spectateur à rire des gestes, des paroles, des répliques des protagonistes, particulièrement des deux principaux.
Greg (Ti Djo Zenny), a eu un jeu naturellement comique et peut être considéré, et de fait il l’a été, comme le meilleur acteur du film. Babas (Junior Rigolo) a beaucoup progressé par rapport à sa prestation dans Bye Bye papa, l’avant-dernier long-métrage de Valéry Numa. Les deux jeunes filles complices des deux compères ont eu jeu moyen. Mais elles peuvent l’améliorer si elles continuent dans le cinéma.
Pour le début, tout promettait une réalisation majestueuse. Mais les fruits de la suite n’ont pas tenu les promesses de la fleur.
Faux Raccord
Malgré les efforts louables du directeur de photographie et cadreur, Mackendy Jeune, et l’exigence du réalisateur (cela transpirait dans le film), Braquages en série est truffé de faux raccords. Certains plan-séquences n’ont pas respecté la logique de continuité qui les caractérise. L’un des plus remarquables, par exemple, une image de Babas conduisant seul, la mythique voiture rouge du film, qui est apparue dans une scène où Greg conduisait avec Babas, assis dans le siège passager. Mais ceci peut être facilement corrigé dans la révision du montage.
Le deuxième plus remarquable est la tête de Farah Mars qui est apparue avec une pilosité importante chez le concessionnaire d’autos, alors que son image précédente, supposée se dérouler dans un passé récent, montrait une actrice avec le crâne pratiquement à zéro. Mais il n’y a pas eu que des problèmes de raccord. Les dieux sont aussi sortis de la machine.
Le cinéphile averti, donc exigeant, reçoit toujours mal les tours de magie du réalisateur ou du scénariste qui, après avoir mis très haut les obstacles face aux protagonistes, utilise les solutions miraculeuses pour les faire sortir. La scène où Greg s’est retrouvé, sans aucune explication, dans le coffre de la voiture pour éviter d’être coffré par le commissaire (sans les signes correspondant à son grade sur ses épaules), alors qu’il était au volant et ignorait que son signalement avait été donné à ce dernier après une arnaque, est un bel exemple de “Deus ex machina”. Cette scène n’a pas manqué de déplaire à plus d’un au regard des grognements entendus dans la foule.
La plus grande séquence de dieu sorti de la machine a été réservé pour la fin, avec le retour d’un protagoniste laissé hors-jeu. Mais c’est la bonne surprise de la fin. L’expliquer maintenant, tuerait le climax pour les prochains spectateurs. Le film est recommandable. Même si un rocambolesque “à suivre” a succédé les dernières images. Ce ne seront pas des minutes perdues si vous allez assister à la prochaine projection. Et pour votre distraction et pour encourager l’effort investi dans cette production.
“Braquages en série” a ses mérites pour avoir, techniquement, été assez bien réalisé. Le plus gros péché de cette production a été la fatigue ou la paresse du scénariste qui n’a pas gardé les mêmes rigueurs du début jusqu’à la fin. Il est évident que l’envie de terminer le film l’a remporté sur le souci de remettre un bon film. Bon du début jusqu’à la fin. L’excuse qu’il n’existe pas d’oeuvre humaine parfaite pourra être utilisée pour Braquages en série. Mais le scénariste/réalisateur doit toujours se rappeler que dans la foule hagarde, il existera toujours des consommateurs pointilleux qui adorent aussi le maxime qui dit: “20 fois sur le métier, remettez votre ouvrage”. Prendre le temps pour donner du temps au temps, est une bonne formule. Elle permet de remettre des devoirs impeccables.
Gaspard Dorélien, Master of Art
gaslover@yahoo.fr
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RépondreSupprimerToutes mes félicitations, Gaspard, pour votre analyse critique du film! Grace a votre texte, vous m'avez permis de faire connaissance avec le film sans l'avoir encore vu! J'en profite pour féliciter Valéry Numa!
RépondreSupprimerahttps://danieleliassaint.blogspot.com
Super analyse. Équilibrée et objective. J'ai envie de regarder le film.
RépondreSupprimerSuperbe analyse. Merci!
RépondreSupprimerUn article bien équilibré. Bravo.
RépondreSupprimerMes Félicitations à toute l'équipe
"Braquages en série"
Si se te pou apèsi fim nan m pa tap al gade l.
RépondreSupprimerTres bien je te felicite mon frere j etais pas present j attends le moment opportun pour aller me regaler . Ton analyse m est un grand support. Merci
RépondreSupprimerJe vous félicite Mr.Valery pour votre grandeur,votre capacité,votre vision pour réaliser cet œuvre.Felicitation à toute l'équipe.Bon courage et bonne continuité.
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