mardi 18 avril 2023

« Le mal du pays »


C’est personnel. Je vis chaque mot. Chaque phrase. Chaque accord de cette guitare singulière. Je subis le mal du pays dans la chanson au même titre, de l’immortel Manno Charlemagne. On dit que pleurer soulage. Mais mon cœur devient plus lourd à chaque écoute. Reviendrai-je “chanter les espoirs de mon île?”


Manno Charlemagne 1948-2017

Je m’étais toujours dit que le mal du pays, c’est pour les autres. De mon île exploitée, je n’avais jamais prévu de m’éloigner assez longtemps pour connaître le mal du dépaysement. 

 

Le mal du pays est ce pincement, cet inconfort, cette sensation d’être toujours incomplet, ce mal tout court… de perdre l’odeur nauséabonde de la pisse dans certains coins de rue; le cris dérangeant des marchands ambulants; le bruit strident et cacophonique de la ville… mais aussi le bleu qui semble être permanent dans le ciel; l’odeurmarine des côtes qui vous empli le poumon de son souffle unique; la résilience des guerrières et des guerriers qui sont plus têtus que les maux qui semblent habiter cette portion de l’île; cette fierté d’être un descendant de ceux-là et de celles-là qui ont inventé la liberté; d’être de cette terre où tout ancien esclave devenait libre dès qu’il la foulait…

 

Le mal du pays, excellemment orchestré par Manno Charlemagne, n’aidant pas, m’a fait réaliser à quel point j’étais loin de la mer. D’admettre qu’il pouvait faire froid pendant plusieurs mois de l’année. Relativiser devient pour les exilés du jour et de l’avant-jour une philosophie de tout instant.

 

Je ne suis pas maso, mais je ris quand j’entends ici l’histoire d’un poignardé faire la une pendant une semaine dans les médias… Alors que notre quotidien là-bas, c’est une suite de tous les maux de la vie qu’on égraine sous le regard témoin du soleil. chanson rappelle la ballade nocturne des hommes encagoulés qui arrachaient les “fils bien-aimés” de leurs familles; les accords des mitrailles qui violent régulièrement la tranquillité fragile de la nuit.

 

Cette chanson est un cri complet qui vous fend le cœur par sa démarche de prise de conscience de notre situation d’exilés; une invitation à revenir pour “chanter la liberté” et provoquer du même coup la mort des tyrans qui ont malmené le pays. 

 

Les pleurs brûlants me sortent des yeux, particulièrement à chaque lecture d’une interprétation de cette chanson par l’Haïtienne Gaya Michel Élie au concours La Voix, en 2015 au Canada. Cette talentueuse chanteuse, loin de travestir cette chanson légendaire, profonde et magique, l’a bonifiée par sa voix puissante, sincère et sûre. 

 

La chanson est aussi une invitation sous forme interrogative à retourner là-bas pour “chanter à nouveau les espoirs de notre île”. Sans l’ombre d’un doute. On peut bien la quitter cette terre. Mais même avec ses imperfections et ses maux, elle ne vous quitte jamais. 

 

Même si en pleurer ne m’a point soulagé, pleurons ensemble, vous tous exilés et auto-exilés haïtiens du monde entier. Pleurons fort. Pleurons vrai. Les larmes trouveront la route jusqu’à l’île et laveront la terre des maux pour lesquels nous continuons de nous exiler. Pleurons! Les pleurs, sauf pour moi, conjurent “le mal du pays”.

 

Gaspard DORÉLIEN, MA

Ottawa

 


samedi 8 avril 2023

Alan Cave, la meilleure voix de la musique haïtienne de tous les temps 

 

On a eu des Ti Manno, Amstrong Jeune, Réginald Cangé... Mais Alan Cave, sans forcé et sans le vouloir, peut-être, a dépassé les meilleures voix du compas et la musique haïtienne en général. Il a la magie du chant. Il ne force rien. Il chante comme un dieu. Contestez, si vous voulez, mais Alan Cavé est la meilleure voix du Compas et la musique venant d’Haïti. De tous les temps. 

Je commencerai par un petit exercice. Il n’est pas périlleux mais assez ardu. J’espère que le résultat sera exhaustif. De quoi s’agit-il? Mettre la beauté de la voix d’Alan Cavé en images. Visuellement, elle serait comme une fraîche rosée, assez fine pour être discrète. Une rosée de la bonne heure du matin qui s’incruste à très faible dose avec une lenteur enivrante sur les pétales, les feuilles des fleurs… Et une fois là, une harmonie naît. Les plantes deviennent lumineuses et crèvent les yeux, séduisent, envoutent… avec leur beauté. 


À l’oreille, la voix d’Alan Cavé est un son sûr, suave et haletante qui fait l’amour à nos tympans. En plus de cette douceur qui caractérise la voix du chanteur, la majorité des textes qu’il chante sont très forts en poésie. La majorité des interprétations du chanteur, notamment sur ses albums solo, sont le mariage d’une voix qui séduit et de paroles captent par leur grand élan poétique.


Georges Alan Cave est sans aucun doute l'une des figures les plus emblématiques de la musique haïtienne. Né en 1966 à New York, il a grandi dans une famille de musiciens et a commencé à chanter dès son plus jeune âge. Après avoir passé plusieurs années aux États-Unis, il est retourné en Haïti pour se lancer dans une carrière musicale qui allait marquer l'histoire de la musique compas. 


Pour le journaliste culturel Jean Venel Casséus “la grande plage de variétés que peut atteindre la voix d’Alan Cavé dépasse le cadre du compas. Et ce serait dommage de le confiner dans le stricte genre Compas… Pour moi Alan Cavé est la meilleure voix de Compas de tous les temps”. 


De son côté, le chroniqueur et critique musical Jhonny Célicourt décrit la voix d’Alan Cavé comme “Onctueuse, feutrée, mielleuse et qui vous transporte”. Monsieur Célicourt ne va pas jusqu’à lui accorder l’étiquette de meilleure voix de la musique haïtienne, mais c’est sans retenu qu’il clame que c’est “l’une des meilleures voix de la nouvelle génération de la musique haïtienne”.


Le compas, le genre musical haïtien a émergé dans les années 1950. Il combine des éléments de différents styles musicaux tels que la salsa, le merengue et le jazz, et est connu pour ses rythmes entraînants et son instrumentation riche. Alan Cave a rapidement acquis une renommée dans le monde du compas grâce à sa voix exceptionnelle et sa présence scénique captivante.



Il a commencé sa carrière musicale en tant que membre du groupe Zin, avec lequel il a sorti plusieurs albums à succès, dont “O pa” (1988) et “Kanpe sou yon bit” (1999). Mais il a véritablement brillé en tant qu'artiste solo. En 2001, il a sorti son premier album solo intitulé "Se pa ou dat", qui a connu un succès immédiat en Haïti et dans la diaspora haïtienne.


Depuis lors, Alan Cave a sorti plusieurs albums à succès, notamment "Douce" en 2005, "Zouk Kreyòl" en 2009 et "Tèt ou" en 2017. Chacun de ses albums est un mélange captivant de rythmes compas, de ballades romantiques et de collaborations avec des artistes haïtiens et internationaux renommés.


Mais ce qui distingue Alan Cave de nombreux autres artistes du compas est évidemment sa voix. Elle est indécemment riche et cette voix est à la fois tendre et puissante, capable de transmettre une large gamme d'émotions. Sa voix est profonde, sensuelle, mélancolique à souhait et pleine de nuances, et il sait l'utiliser pour donner vie à ses chansons.

Pour Ismaëla, jeune mélomane haïtienne qui vit au Canada, “Alan Cavé est exceptionnel”. 


Il est donc facile de comprendre pourquoi Alan Cave est considéré comme la meilleure voix du compas de tous les temps. Il a été salué par des critiques musicaux de partout pour sa voix exceptionnelle, son talent d'auteur-compositeur et sa contribution à la musique haïtienne.


Alan Cave est un artiste qui a marqué l'histoire de la musique compas. Il a une voix qui est à la fois puissante et émouvante. Il est sans aucun doute l'une des figures les plus emblématiques de la musique haïtienne et sa contribution à l'évolution du compas est inestimable. Alan Cave est un artiste talentueux et engagé, qui a réussi à se faire une place dans le cœur des Haïtiens et des amateurs de musique compas du monde entier. Sa voix unique et sa personnalité charismatique ont fait de lui une légende vivante de la musique haïtienne, et son héritage musical continuera de résonner pendant de nombreuses années à venir.


Gaspard Dorélien, MA

Ottawa

samedi 25 mars 2023

Zèklè à Montréal: retrouvailles, nostalgie et de “l’or en bouche”


C’est une rencontre, un oasis dans la grisaille de ce territoire de l’Amérique du Nord, des retrouvailles… qui n’auraient pas dû avoir lieu. Joël Widmaïer, le lead vocal de Zèklè, pert sa voix la veille. La possibilité d’annuler cet événement attendu était même sur le tapis. Ce pire a été évité. Le miracle a eu lieu. À l’auditorium du Collège Ahuntsic, à Montréal, le samedi 25 mars, un public enjoué s’est communié avec la bande, a complété la voix du chanteur principal, pour s’offrir du bonheur, des retrouvailles avec des sons qui ont dévalé le temps pour se laisser rattraper ce samedi soir… “De l’or en bouche” comme l’a si bien qualifié Nerlande Gaëtan Civil, coordonnatrice de la Compagnie Théâtre Créole, instigatrice de ce concert mémorable.


Mémoire ressuscitée 


 Ce qui reste de plus précieux dans le vécu de chaque homme et de chaque femme est monté de A à Z de souvenirs. 

On garde précieusement et jalousement la mémoire de tout ce qui nous a fait rire, pleurer, réfléchir, maudire, plébisciter… des bouts de notre vie. C’est ce ciment qui a soudé tout le public, yeux allumés, oreilles en alerte, voix synchronisées… pendant 90 minutes d’horloge. La musique de Zèklè a été pour tous, pour toutes, en tous, en toutes, par tous et par toutes. 


Ce sont des hommes et des femmes qui connaissent Zèklè et tout son répertoire qui se sont agrippés au bonheur des souvenirs qui ont 20 à 40 ans d’âge. 


Du vieux et du neuf


Ce n’est pas le Zèklè qui compte 40 ans qui a fait le déplacement. Certains membres de ce groupe sont partis pour l’au-delà depuis plusieurs années. Le dernier,  le virtuose du tambour, Arius Joseph, a fait le grand saut le 20 mars, 5 jours avant la date de ce concert. Mais des doigts d’or de la musique haïtienne se sont joints à Joël, à Mushi… pour faire renaître sons et paroles qui ont fait le quotidien des trentenaires, des quarantenaires… et des septuagénaires présents dans l’amphithéâtre du Collège Ahuntsic. Raoul Denis Junior, Ti Claude Marcelin, Gérarld Kébreau, Kéké Bélizaire et Fabrice Rouzier, entre autres, ont valablement remplacés ceux qui n’étaient plus là. 

Emmanuela, la plus jeune sur le podium et choriste de la circonstance a magistralement joué le duo avec Joël sur deux légendaires morceaux du groupe, dont “Ou te di m”. 


Du vieux, bonifié, du neuf, pétillant, se sont épousés pour faire de cette soirée un moment de béatitude parfaite. 


Point besoin d’être devin pour réaliser que ces Haïtiens qui ont laissé cette Haïti qu’ils chérissent, se sont abreuvés de ces bribes de leur pays qui ont flotté sur tous les airs chantés et fredonnés ce samedi 25 mars.

Plus que des souvenirs, c’est l’odeur, le goût et les cris de cette terre de soleil qui les habite que Zèklè les a fait revivre durant ces 90 minutes. 21h53. La dernière note du concert s’est tue. Mais tous et toutes sont partis à travers les rues enneigées de Montréal, avec des échos éternels dans la tête et dans le cœur. 


Gaspard DORÉLIEN, MA 

Montréal

samedi 4 mars 2023

Virginie Grimaldi a le don divin

Cette autrice ne crée pas juste des histoires. À l’instar de Dieu, elle crée des mondes, des êtres, des personnages plus vivants que ceux que l’imaginaire dessine quand on s’abreuve d’un récit.


J’ai pleuré sur le dernier chapitre de son roman “Tu comprendras quand tu seras grande” et davantage sur les derniers paragraphes de l’épilogue de “Les possibles”. Pour ce dernier, les larmes m’ont fortement brûlé la rétine. Les mots de Grimaldi doivent avoir cette magie qui peut catapulter le cœur et l’âme dans la galaxie du sensible. Cru. Tangible.

C'est décidé, j’adopte Virginie Grimaldi

Il y a une telle candeur dans l’image des héroïnes de ces deux romans; une indescriptible beauté dans les dires; un ressenti qui vous tord les tripes à chaque chapitre; un réalisme majestueux à chaque relance; un humanisme merveilleux dans les familles qu’elle nous offre comme amies tout au long de la lecture; une tendresse généreuse qui habite chaque pan de l’histoire. J’adopte Virginie Grimaldi. Je lirai tous ses romans avant l'été 2023. Promis.

Je termine à peine "Les possibles" que je commence déjà à dévorer “Le premier jour du reste de ma vie”. Ce sera au prix d’une promesse ratée que je m’étais faite: “terminer au 28 février 2023 le volumineux et entraînant roman “Americanah” de la très talentueuse romancière nigérienne, Chimamanda Ngozi Adichie. Je terminerai avant la fin de la semaine prochaine les 16 chapitres qui restent à abattre des 55 que contient ce petit bijoux de la littérature americano-nigérienne.


La découverte fortuite de Grimaldi

J’ai découvert Virginie Grimaldi grâce à la photographe, paysagiste et protraitiste, Sherlyne Volel, qui a posté sur le statut de son profil WhatsApp, en 2022, un extrait de “Il est grand temps de rallumer les étoiles”. Ce roman, je l’ai terminé à la première semaine du nouvel an. J’ai aussi lu que ses romans étaient du genre  “girly”. Mais après avoir été happé par le premier, je viens de dévorer comme un affamé de lettres, un deuxième ensuite un troisième et je me fonce, déjà tout conquis, dans la lecture d’un quatrième. J'en suis au 18e chapitre. Et je le répète: j'adopte cette autrice. Qu'on classe ses écrits dans la catégorie de littérature pour femme, je m'en moque. Je rejoins, yeux fermés, coeur ouvert, âme sensible... le club de ses groupies. 

J’ai toujours aimé les personnages féminins dans les romans. Et cette écrivaine sait comment les créer avec toute la force et la faiblesse d’une humaine qui est vraie. Singulière. Authentique. Le genre d'humaine aimable, aimante et inspirante.

J’ai versé des larmes pour chanter toute la beauté de ces livres. Je pleure souvent devant le charme d’une chanson mélancolique, devant la fin heureuse ou malheureuse d’un film savamment réalisé. Mais Grimaldi est la première à m’arracher des larmes pour un livre. Que dis-je? Deux livres. Cela doit être pour ça qu'elle est l'écrivaine française la plus lue.

Dans les trois romans de cette autrice française que j’ai lus jusque là, on fait connaissance avec des situations plus vraies que nature, décrites avec un humour non forcé. Les deux derniers romans mentionnés plus haut, sont de véritables “sprint” pour apprendre et maitriser l’art de la répartie. Vous comprendrez tout, si vous aussi, lisez ces palpitantes histoires drôles, profondément humaines, psychologiques et incontestablement vraies!

“Tu comprendras quand tu seras grande”

“Tu comprendras quand tu seras grande” est conté du point de vue d’une psychologue qui, pour échapper à ses démons, postule dans une maison de retraite, Les Tamaris"  pour encadrer les résidents. Alors qu’elle même mériterait d’être encadrée pour faire face aux maux internes qui la déséquilibre littéralement. Mais tant bien que mal, elle arrive à impacter, à même changer, pour le meilleur, l’existence de ces mamies et papis qui vont l’adorer et qu’elle affectionne fort bien aussi.
En tentant d’aider ceux-là et celles-là qui arrivent au crépuscule de leur vie, elle s’est aidée elle-même à remonter la pente des traumatismes qu’elle traine douloureusement. Mais il faut lire jusqu’à la fin pour comprendre que c’est à dessein qu’elle a été à cette maison de retraite. En bonus, elle y retrouvera l’amour. Je n’en dis pas plus. Je vous laisse découvrir, de par vous-même, les contours et les aboutissants de ce tendre roman. Le troisième roman que j’ai lu de cette autrice n’en fut pas moins exaltant.

Les possibles


Dans "Les possibles", Grimaldi nous installe au cœur des fortes émotions d’une héroïne aux prises de son père qui perd le contrôle de son psyché, de son fils qui accuse du retard d’apprentissage, de sa mère qui se rebelle contre les rides et les regrets d’un amour familial qu’elle n’a pas su vivre au complet.

On apprend dans ce roman comment la patience et la tolérance, quand elles deviennent indispensables dans le quotidien, sont des qualités qu’on peut nourrir et laisser grandir.

On y apprend aussi comment ne pas devoir regretter plus tard les beaux souvenirs générés dans l’amour parental. Comment vivre et profiter de chaque parcelle d’affection, d’attention, de rires… que la vie nous offre au sein de notre famille.

C’est une histoire touchante, mais excessivement drôle. Mais les fous rires que vous emmagasinerez dans chaque chapitre du livre, ne pourront pas retenir des larmes dans la lecture de la fin. Bon, aucune gratie pour les larmes si votre âme n'est pas pareille à la mienne. 

J’ai tellement aimé l’héroïne, les réparties de son père, que j’ai recommencé la lecture de plusieurs chapitres pour retarder la progression de l’histoire. Les personnages ont été miens. J’ai connu la peur qu’ils me manquent quand j’aurai à refermer définitivement le livre. Et je vis déjà le chagrin de ne plus les avoir aussi vivants dans ma tête. Merci Virginie Grimaldi. Avec ta plume, tu es l’égale de Dieu.

Gaspard DORÉLIEN, MA
Ottawa, 04 mars 2023

 

mardi 28 février 2023

Pays pilleurs!


La question ne trotte plus dans ma tête, mais elle gambade, elle galope… Comment ce ministre français puisse se sentir vexé parce que dans “Black panther: Wakanda forever” on présente des militaires français comme des pilleurs? Comment une telle figuration ne puisse pas être une évidence pour lui?

Est-il possible qu’un Français qui arrive au rang de ministre puisse oublier ou nier que si l’histoire quotidienne était comptée par des médias neutres et non irrémédiablement occidentaux, on reléguerait la France parmi les tops pays avec ce passé ou même ce présent des pires voleurs et pilleurs de toute l’histoire de l’humanité?

Comment ce ministre puisse oublier ce que la France a fait au Mali, au Congo, au Cameroun… en Haïti

Comment explique-t-il que ces pays puissent parler Français? Ces pays-là l’avaient conviée à venir partager son gaulois à la noix?

Comment peut-il occulter la barbarie sans nom de ses aïeuls qui ont été sur des continents où ils n’avaient rien à faire, réduire des hommes et des femmes en esclaves, s’emparer de leurs richesses, imposer leur Bon Dieu blanc, leur langue, leur coutume sexuelle… et devenir ce pays super riche et vouloir aujourd’hui se vexer après une minuscule étiquette de rappel de peuple pilleur dans un film?

Ignore-t-il que la colonisation est la forme la plus palpable de pillage d’un peuple par un autre? 

Ignore-t-il que piller ne veut pas dire emprunter et encore moins demander?

Peut-il ignorer que l’histoire de la France, si elle était comptée comme il faut, serait jalonnée d’une succession incalculable d’aventures de pillages?

C’est inimaginable comment des êtres humains puissent être autant “rizèz”! 

Si seulement les médias, leur cinéma… véhiculaient la vérité, on saurait que l’Espagne, l’Angleterre, le Portugal, la France sont des pays pilleurs… des pays où, il y a pas un siècle comptaient que des sauvages qui laissaient leurs assiettes pour aller piocher, sans invitation, dans celles d’autres peuples.

Mais aujourd’hui, parce que les pays de ces peuples sont invivables (parce que la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal… leur a tout pris), ils crient à l’invasion quand ces populations viennent changer un peu le décor avec leurs visages colorés, maculés de tous les manques.

Quel toupet! Quel audace! Quel “je chèch”!

Honte à vous! Pays pilleur!

Gaspard Dorélien, MA

jeudi 2 février 2023

“Cabaret noir”: collage lumineux pour célébrer notre “sombritude”

 Un brassage hétéroclite où Frantz Fanon, Spike Lee, Dany Laferière, Aimé Césaire, Toni Morrison, Shakespear… se côtoient, se télescopent, se bousculent et s’harmonisent à la fois dans la pénombre et dans la lumière pour assumer la négritude; pour dire haut et tout bas une parole sur cette couleur de peau, assimilée à la mort du soleil. 


“…Parce que nous savons quelque chose que personne d’autre ne sait. Nous naissons bien-meuble, nous vivons nègre nous mourons chien”, écrit Mélanie Demers à la suite de  la mort de Georges Floyd en juin 2020, sous les genoux de Derek Chauvin dans le Midwest de l’auto-proclamé champion de la Liberté et de la démocratie, Les États-Unis d’Amérique. Ce texte a allumé la flamme qui a donné naissance au spectacle “Cabaret noir”. Ce dernier était en représentation au studio Azrieli du National Arts Centre, au coeur de la capitale du Canada, Ottawa, jeudi 2 février. Il est aussi programmé deux jours de suite, à 20h, à la même salle.

Cabaret noir: six acteurs vivants (Vlad Alexis, Florence Blain Mbaye, Paul Chambers, Mélanie Demers, Stacey Désilier, Anglesh Major) selon une mise-en-scène de Mélanie Demers, dans des postures peu conventionnelles, dans des costumes changeant au gré des jeux de lumières qui apparaissent, disparaissent, reparaissent… près de 90 minutes de performances où des extraits d’oeuvres de Frantz Fanon, d’Aimer Césaire, de Toni Morrison, de Dany Laferrière… sont scandés à voix sèches ou raisonnées dans des haut-parleurs invisibles… des chorégraphies, des bouts de spectacles, d’émissions de télévision ou de film sont superposés, collés, racolés, étalés, présentés, chantés, sifflés, susurrés… en français, en anglais et en créole haïtien… devant un public médusé et conquis.


Cabaret noir est un rassemblement harmonieux sur scène, de dénonciation, de cogitation de haute voltige, d’assumation d’une existence maculée de subordination, d’insubordination, de révolte, de joie dans le vécu tout comme de la gratuité de sueur et de sang versés pendant des siècles de barbarie parce que la différence a toujours été une peur blanche.


Fort était ce haut le coeur avec à la pièce du Nina Simone, du Billie Hallyday, de Haïti Troubadour… où s’entrelaçaient des jurons et obscénités en créole et en anglais… 


Cabaret noir est un spectacle cru, tacheté de surprises, de jeux de dominos qui se construisent, se déconstruisent, se réinventent pour chanter la négritude ou mépriser cette peur dont l’autre s’est servie pour être monstre et demeurer monstre.


Gaspard Dorélien, MA

Ottawa

mardi 31 janvier 2023

2e livre pour l’année 2023

 Lire au minimum 24 livres d’ici le 31 décembre 2023. C’est l’un de mes principaux objectifs pour cette année. Je viens de boucler mon deuxième livre pour ce mois de janvier. C’est un manuscrit. Non publié encore. Le premier que j'ai terminé le 5 janvier est de  Virginie Grimaldi, "Il est grand temps de rallumer les étoiles”.  Loin d’être un brouillon, les 245 pages que Pierre Négaud Dupénor m’a passées, m’ont permis de voyager dans son idéal d’une humanité lumineuse. “La cougar et l’Empathe”, premier roman pour ce jeune auteur, mais un profond voyage initiatique dans l’humain vrai, libre, bon et prometteur.


“Je ne le terminerai pas si, à mon goût, il ne correspond pas à l’idée d’un bon roman”, ai-je “prétentieusement” argué. C’est la seule garantie que j’avais donnée à Pierre Négaud Dupénor à qui je n’aurais pas prêté des prétentions de “littéraire”, au regard de son statut académique. Quand je l’avais rencontré en 2019, il était doctorant en sciences politiques et étudiant en photographie à Fotomatik Haiti. Sa science, il l’a mise au service de la littérature. Pour son premier roman, “La cougar et l’Empathe”, l’ancien étudiant de la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti, spécialiste en communication et gestion de la connaissance pour une agence des Nations Unies, a accouché une oeuvre empreinte d’une forte humanité. Une élévation de l’idéal humain où l’amour devient un réel concret, vrai et actif. 


La formule simple qui préconise que la meilleure façon de comprendre l’autre c’est de se mettre à sa place, n’a jamais, selon ma perspective, été aussi bien illustrée dans un argumentaire. Au milieu de la lecture de ce roman, je me suis même surpris, à maintes reprises, hypnotisé par une sagesse d’une force incommensurable, idéale, mais captivante. J’étais comme suspendu - happé même - aux réflexions d’un vieux sage que nul ne saurait contester. Les concepts de liberté, d’amour pour autrui, d’entraide, d’empathie,  de sagesse divine… sont développés et argumentés par des personnages aux paroles claires, convaincantes qui laissent très peu de place au doute. Même méthodique. Ma lecture accuse peut-être un certain biais, parce qu’elle épouse à l’excès certains points de vue de plusieurs personnages de l’histoire.


Elle se déroule entre Nantes, Guérande, Abidjan, Ngozi… Les personnages viennent du berceau de l’humanité, l’Afrique. Les thématiques qui carburent toute la trame du récit sont la spiritualité, la sexualité, la religion, la philosophie et la psychologie. Et bien entendu, tout ceci ramène à l’humain, nerf principal de toute cette cogitation intellectuelle sur fond littéraire.


“La cougar et l’Empathe" est un roman hautement philosophique, élaboré dans une écriture simple, mais non simplette. Il se lit facilement. J’en suis sorti bonifié. L’auteur a certainement voulu vendre la bonté de l’être humain. Il a réussi le pari. Même s’il a excédé à la fin en présentant, de façon expéditive, le bannissement d’une pratique odieuse, mais centenaire en Afrique. À découvrir quand vous aurez le livre en main. Son idéalisme a eu raison de la raison elle-même. Les réflexions magistralement philosophiques sont redevenues littéraires. Tout créateur est un grand rêveur. Pierre Négaud Dupénor ne s’en est pas gêné. Il a rêvé. A imposé son rêve dans les dernières parties de son roman. À vous de l’acheter argent content ou crédit. Je ne me prêche plus. J’en suis un converti.


Je souhaite à tous et à toutes la chance et le bonheur de lire “La Cougar et l’Empathe”. Vous ne serez jamais aussi humains et humaines.


Gaspard DORÉLIEN, MA