jeudi 19 juillet 2012

En Haïti, nous sommes racistes!

A chacun, en fonction de ses intérêts, de ses expériences, de son épiderme... de voir à sa manière la question du racisme. Personnellement, avec ma peau foncée, je confirme que le racisme est bel et bien présent   en Haïti. Point. Et plus que dans beaucoup de pays de gens aux yeux bleus. Dans ce coin de terre, nous sommes racistes. Et cela va dans les deux sens. Peau noire et peau claire.





Je pourrais faire des témoignages interminables sur les milliers de fois, je dis bien, des milliers de fois (du haut de mes 33 ans) où j'ai été victime d'actes ou de propos racistes. Mais, c'est compréhensible. Nous sommes un peuple aliéné, perturbé, instable... et qui a fait des choix de dirigeants avec des visions sociales étriquées, qui n'ont pas pu conjurer cet élan "naturel" à stigmatiser ceux-là et celles-là qui ont l'épiderme fonçé comme moi. Et les étrangers qui sont devenus Haïtiens aujourd'hui et élites économiques du pays n'ont pas aidé non plus. Mais ils sont excusables, on a prêté le flanc à leurs dérives stigmatisantes ou racistes. On a rien fait contre cela. Au contraire, nos silences complices, notre résilience face à leurs comportements discriminants huilent la machine à mépriser.

Mais dans la plupart des cas, ce sont des camarades aussi foncés ou sensiblement moins foncés que moi qui me rappelent qu'ici, en Haïti, ce n'est pas un plus de ne pas avoir la peau claire. Ne serait-ce qu'un tout "p'tit peu".

Je me sens plus étranger dans certains magasins, supermarchés et programmes à Pétion-Ville qu'à Minneapolis, dans le midwest des États-Unis ou à Paris, en France. Et des étrangers ou blancs se sentent plus valorisés dans ces lieux que chez eux. Je voyage beaucoup, je vais souvent chez les blancs, je n'ai pas en tête le souvenir d'une remarque ou d'un geste raciste à mon égard. Mais, il ne passe pas un mois sans que j'en sois témoin/victime. 


Moi, c'est l'instruction qui m'aide à être moins stigmatisé. On m'apostrophe moins, parce que je suis untel. Mais celui qui a peu séjourné à l'école ou pas du tout, il n'existe tout simplement pas dans cette société... ses opinions ne comptent pas, il est qualifié de tous les mauvais noms; il ne compte pas. Tout bêtement!

Dommage, ici, si on se fait appeler Dessalines, c'est une injure. Pas un compliment. Etre assimilé au père de la patrie signifie être laid et de peau très foncée. C'est ce qui arrive quand on renie tout. Même son identité.

Le racisme en Haïti est en parfaite corrélation avec la crise identitaire. Et pour ce que je constate, ce n'est pas demain la fin de cette crise. Donc, pas demain la fin du racisme à Pétion-Ville... Bienvenue en Haïti!


Gaspard Dorélien

2 commentaires:

  1. Malheureusement le racisne ne date pas d'aujourd'hui et est très répandu. Il est encore plus dure en Haiti qui est une société à prédominence noire. Il faut dire que certaines personnes se complaisent dans la différence. En créant le clivage, ils se permettent d'exister. Comme tu le fais, c'est en denonçant certaines pratiques qu'on va finir par briser cette barrière.
    Bravo pour ton article!

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  2. Le Racisme va plus loin en Haïti au point que l'autre qui est moins noire (plus claire) que moi me stigmatise. Ceci dit qu'il n'existe pas seulement deux Ordres mais de préférence trois en Haïti du point de vue racial ( le mulatre, le moins noire et le plus noire).

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