jeudi 23 mai 2024

Quand nous entravons l’amour

Les plus grandes entraves en amour sont les attentes. Si tu comprends cette assertion, nul besoin de continuer ta lecture. Sinon, lis jusqu’au dernier mot. Je décris ci-dessous comment nos attentes mettent en péril toute relation amoureuse.



J’en ai récemment parlé dans l’article “On nous a compliqué l’amour”. La première espérance illusoire que nous nourrissons en couple, c’est de désirer que l’autre nous comble de bonheur ou de chercher à le combler. 


La première méprise que nous commettons presque tous, c’est de voir le couple comme un lieu de réparation. Nombreux sont ceux qui se mettent en couple pour soigner une blessure d’enfance, pour se remettre d’une séparation douloureuse ou pour remplir un vide qui nous a toujours habités. C’est peut-être ardu à accepter et à assimiler, mais c’est un fait : “si on ne peut pas être heureux seul, on ne le sera jamais en couple.”


Le bonheur doit émaner de soi. On doit être suffisamment complet pour générer son propre bonheur. On se met avec l’autre pour prolonger notre bonheur ou pour partager tout l’amour et tout le bonheur que l’on portait déjà en soi. Permettez-moi de me répéter, le couple n’est pas un établissement thérapeutique. Votre partenaire ne peut pas et ne doit pas assumer le rôle de thérapeute. Si vous souffrez de traumatismes d’enfance, cherchez de l’aide. Guérissez-vous d’abord. Car c’est réalisable. Si votre cœur a été broyé, il y a moyen de recoller les morceaux et de le reconstituer. Oui, ce miracle est possible. Je témoigne d’expérience. Mais il est extrêmement difficile d’y parvenir seul. Les thérapeutes, les psychologues, les coachs de vie… sont aussi essentiels lorsqu’on souffre de ces blessures émotionnelles que l’intervention du médecin en cas de douleur abdominale. Pourtant, on minimise encore aujourd’hui la nécessité de ces professionnels du bien-être mental dans toutes les sociétés. C’est pourquoi nous avons tous tendance à compter sur l’amour pour nous restaurer. On entre dans une relation avec toute son entièreté. Notre amour. Notre bonheur. Nos rêves. Nos objectifs. Notre personnalité. Et toute notre disposition à partir lorsque le respect, la fidélité, l’amour… ne sont plus au rendez-vous. Car on doit suffisamment s’aimer et se valoriser pour ne pas tolérer l’intolérable. Pour ne pas implorer d’attention, de compréhension, de respect… Car si l’autre vous désire, tout cela sera offert généreusement sans que vous ayez à les réclamer.


Une seconde attente qui barre sérieusement la route à l’amour, c’est d’exiger que l’autre réagisse à notre manière, à notre sauce, selon nos propres normes. Nous sommes chacun formés d’une individualité découlant de notre éducation, de nos influences, du cadre émotionnel autour duquel nous avons gravité avant de rencontrer celui ou celle avec qui nous partageons un bout de chemin ou tout le reste de notre vie. Et chaque parcours est singulier et produit souvent des résultats uniques. Il est donc impensable de s’attendre à ce que l’autre puisse s’adapter à nos propres modèles. La meilleure démarche est de se souvenir que son partenaire est un individu unique, programmé différemment de soi. Et qu’il est normal que ses réactions ne coïncident pas avec les nôtres. Pour se prémunir de toute déception engendrant de la frustration, il faut éviter de se munir d’attentes précises. Car si on persiste dans cette direction, on pourrait s’engager dans une autre quête encore plus fatale pour la relation : le désir de changer l’autre ou penser qu’il ou elle va changer.


C’est encore un autre obstacle très, voire trop, courant dans les relations de couple : vouloir changer l’autre. Ceux qui nourrissent leur esprit d’une telle espérance se retrouvent invariablement sur le banc de la déception et de la frustration. Car ce que l’autre est aujourd’hui est le résultat d’une longue, d’une très longue évolution. Et ce rendu, même s’il peut ne pas être définitif, est souvent très ardu, pour ne pas dire impossible, à modifier. Sauf si l’autre prend conscience du modèle à changer et s’engage de manière déterminée et constante à effectuer ce changement. Et même là, il y a des cas où, malgré toute la volonté du monde, il ou elle n’y parviendra jamais seul. Prenons le cas d’un ou d’une pervers (e) narcissique. Il est improbable qu’il ou qu’elle cesse d’être ainsi, sans un suivi sérieux d’un thérapeute. Car un ou une pervers (e) narcissique est une victime d’un passé qui ne lui était pas du tout favorable et qui le prédispose corps et âme à être un fléau dans la vie des autres. Si vous avez le malheur de tomber sur une personne de cette catégorie et que vous espérez qu’elle change, “ou mèt vann Bondye jounen w” (vous pouvez vendre vos journées à Dieu), me répétait une certaine personne.


En définitive, pour libérer l’amour de toutes ces entraves et de nombreuses autres que nous n’avons pas abordées dans ces lignes, il faut se souvenir et appliquer l’une des règles fondamentales du Stoïcisme : “ne pas avoir d’attente.” Mais vous me demanderez immédiatement, comment ne pas avoir d’attente dans une relation amoureuse ? La réponse n’est pas simple. Car presque toute notre construction en tant qu’être social, nous prédispose à avoir des attentes vis-à-vis de l’autre. Mais il faudrait aussi vous demander pourquoi tant de relations amoureuses ne fonctionnent pas ou finissent par une rupture ? C’est parce que nous entrons dans les relations étant incomplets, malades, vidés… et par conséquent on compte sur l’autre pour nous compléter, nous guérir, nous remplir… 


Un ou une partenaire n’est pas un ou une thérapeute. C’est à nous, bien sûr accompagnés de spécialistes de la santé mentale, de guérir nos blessures, de remplir nos vides et de forger notre bonheur. Je me répète, si on n’est pas heureux seul, on ne le sera jamais en couple. Et si on s’aime assez fort et vrai, on sera bien dans sa peau et il sera plausible pour nous de ne pas avoir des attentes vis-à-vis de l’autre qui, lorsqu’elles ne sont pas satisfaites, engendrent amertume et frustration. La seule chose que l’autre nous doit, et que nous lui devons aussi, est le respect. S’il est présent, il n’y aura pas d’infidélité, pas de mépris, pas de négligence, pas de trahison… et le couple sera juste un terreau pour l’épanouissement de notre bonheur. Et non le lieu où naîtra notre bonheur. Ce dernier ne doit éclore qu’en nous. Si vous vous demandez comment le faire naître en vous ? Cela signifie que vous êtes qualifié pour chercher de l’aide. Et ça, c’est OK. Tous ceux et toutes celles qui ont cherché de l’aide en sont sortis victorieux (ses). Expérience vécue!


Gaspard Dorélien, MA

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