mardi 14 mai 2024

On nous a compliqué l'amour...

Si tu savais combien d'idées reçues ne correspondent absolument pas à la mission de l'amour dans un couple, tu ne te contenterais pas de mordre un doigt. Tu avalerais tout ton bras. Prends, par exemple : "rendre son/sa partenaire heureux(se) !" Figure-toi que cela relève d'une mission impossible. Pardonne-moi si je te parais prétentieux, mais j’ai l’explication. Continue de lire, je te prie !


L'exemple qui va suivre aura un air de déjà vécu pour beaucoup. Tu mets toute ton énergie, ta bonne volonté, toute la générosité du monde dans une idée de surprise pour ton/ta partenaire. En la concevant, tu te disais que cette surprise, ce cadeau, ce geste, cette parole, ce texto... l’aidera à être heureux(se) pendant au moins un demi-siècle (j’exagère). Et puis, surprise ! Surprise ! Il/elle ne bronche pas d’un millimètre en direction de la joie, voire du bonheur. Pire, il/elle s’énerve au contraire à la suite de ta démonstration d'idée du siècle.

Je ne dis pas que cela se passe toujours comme ça, parce qu'il arrive parfois que l'on tombe sur la bonne clé qui ouvre la porte de son bonheur. Mais devine quoi ? Ce n'est pas toi qui a réussi ton coup. C'est lui ou elle qui a choisi que ton attention était celle qui correspondait à son étincelle de bonheur. Pourquoi ? Parce que l'autre est heureux à partir des pensées qu'il ou elle choisit. Bien sûr, ce choix est l'émanation de toute une construction : comment il/elle a expérimenté l'amour avec ses parents, son entourage. Quelle présence lui a le plus marqué en fonction de son sexe ? Pour le féminin, était-ce la figure paternelle qui était marquante ou absente ? Pour le masculin, la bienveillance de la mère était-elle suffisante, étouffante ? Ce ne sont là que des exemples pris au hasard. Il y a des milliers de facteurs qui participent à cet édifice. Enfin, tout le vécu de l'autre l’aidera à lui concocter une idée du bonheur que tu n’arriveras jamais à combler. Parce que t'embarquer dans cette entreprise, c’est comme vouloir contrôler la pensée de l’autre, et ça, c’est soit mission impossible, soit t'investir dans la plus abjecte des entreprises : devenir une personne toxique. Et ça, c’est immonde.

Vouloir faire le bonheur de l’autre nous amène à marcher sur des œufs. À oublier d’être soi. À vivre pour l’autre. Et dans ce cas, à récolter déception et amertume. Car tu peux t’investir dans toute ton entièreté dans cet objectif et te voir toujours passer à côté. Parce que le bonheur de l’autre n’est absolument pas ta mission. Tu me demanderas alors quelle est donc ta mission auprès de l’autre, et vice versa ?

Elle est simple, ta mission : c’est d’être toi. Et c’est pareil pour l'autre. Toi, c’est être libre de t’exprimer, de t’épanouir, de faire les choses que tu aimes, de trouver en toi ta mission de vie et de t’engager à la réaliser. Une relation de couple n’est pas un cabinet clinicien de thérapie où l’autre vient pour se guérir de ses maux passés. Mais plutôt un terreau fertile pour grandir. On rentre entier dans une relation. C’est pourquoi on doit d’abord se débarrasser de ses démons de père absent, de mère étouffante, d’enfant mal aimé... et de tous les traumatismes qui t’empêchent de t’accepter, de pardonner tes erreurs passées et de t’aimer. Tiens, voici un pré-requis indispensable pour entrer en relation de couple : t’aimer ! Car nul ne peut donner ce qu’il n’a pas. Si tu ne t’aimes pas, il y aura en toi un vide énorme. Tu vas vouloir que l’autre comble ce vide, et ça, mon frère, ma sœur, je te le jure, c’est mission impossible. Même si beaucoup de romans que tu as déjà lus te l’ont fait croire, même si de nombreuses chansons que tu écoutes te permettent d’espérer cela ; même si des dizaines de films ont plaidé cette cause, c’est faux. Tu n’es pas responsable du bonheur de l’autre et il ou elle n’est pas responsable du tien non plus. En nous faisant croire le contraire, on nous a compliqué l'amour.

Je devine déjà ta prochaine question. Ou si tu n’es pas en train de te faire un sang d’encre, me maudissant de sortir de pareilles balivernes. Alors, c’est quoi la fonction de l’un et de l’autre dans une relation, à part d’être soi-même ?

Ta fonction dans le couple, c’est d’aimer l’autre. Tout simplement. Et qu’est-ce qu'aimer l’autre? Aimer l’autre, c’est être bienveillant envers lui ou elle. C’est lui être fidèle. C’est savoir l’écouter. Pas entendre pour répondre et chercher à avoir raison. Mais c’est d’être à l’écoute de l’autre pour le comprendre et de pouvoir se mettre à sa place pour envisager la bonne perspective de ses réactions. Aimer l’autre c’est faire preuve d’une empathie sans limite à son endroit. Aimer l’autre c’est toujours vouloir le bien de l’autre sans piétiner le tien. Aimer l’autre c’est être prêt à faire toutes les concessions possibles. Je dis bien “possibles”, pour l’arranger. La fonction de chacun ou de chacune dans la relation c’est d’être prêt, prête à être la force quand l’autre perd sa force ! Être la voix de la sagesse quand l’autre perd la sienne. Être “the bigger person” (une certaine personne répétait souvent cette formule en ma présence), c’est-à-dire ne pas être celui ou celle qui retournera l’invective, ou qui relancera l’injure après l’avoir reçu en plein visage. Aimer l’autre c’est former avec lui ou elle une équipe soudée qui ne conteste jamais l’autre en public. Mais aimer l’autre c’est aussi s’aimer assez pour ne pas accepter l’infidélité, les miettes, l’irrespect et la manipulation. Aimer l’autre, c’est être prêt (e) à partir au lieu de devenir toxique pour l’autre à force d’exiger l’attention et le respect.

Si tu remplis toutes les fonctions précitées, tu auras accompli ta mission dans la relation. Si l’autre y trouve son bonheur. C’est tant mieux. Mais si malgré tout ça, il ou elle est malheureuse auprès de toi, tu ne peux l’aider qu’en le ou la conseillant de chercher au fond de lui ou d’elle ce qui manque et de le combler et te revenir après. Si toutefois, il ou elle le désire encore. Toi, si tu es complet(e), tu n’auras aucun problème à attendre ou à décider de nouvelles perspectives.

Gaspard Dorélien, MA

Ottawa,

14.05.24

8h39 AM

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