Tout le monde périra, mais tous semblent n'en avoir pas conscience. Une bombe dans la classe économique soufflera tout l'avion, y compris la classe affaires. En Haïti, les élites ont toujours cru que les maux de Cité Soleil n'atteindraient jamais leurs collines. Et, fort de cette croyance, tous ont laissé le petit bouton se convertir en plaie béante. En mars 2024, elle se métastase.
C'est un fait indéniable. Quand il y a une répartition injuste de la richesse, ceux qui sont laissés pour compte n'auront, un jour, d'autre choix que de devenir cannibales.
En 2018, une annonce revenait sans cesse sur mon fil d'actualité Facebook : « Quand les pauvres n'auront plus rien à manger, ils mangeront les riches. » Je vais lire Gérard Mordillat, auteur de “La Tour abolie”, pour mieux comprendre cette prédiction. La première fois que je suis tombé sur cette prophétie, j'ai eu un pincement au cœur. Et ensuite, j'ai fait l'autruche. “On ne laissera jamais les pauvres démunis en Haïti au point de devoir manger les riches pour survivre.” Je savais que je me mentais en raisonnant ainsi. J'avais déjà tous les indicateurs devant moi :
- une exclusion planifiée par la marginalisation de la majorité de la population ;
- une exode rurale croissante ;
- un système éducatif diversifié où les pauvres n'ont souvent pas accès, ou alors seulement aux “écoles borlettes” ;
- des élites économiques non haïtiennes, qui ne réinvestissent ni ne redistribuent les richesses accumulées. Pour eux, Haïti n'est qu'un comptoir commercial ;
- dans la première République noire du monde, la clarté de la peau est source de privilèges ;
- la politique comme voie rapide vers la richesse ;
- la corruption élevée au rang de sport national ;
- une justice orpheline de sa propre essence.
- une exclusion planifiée par la marginalisation de la majorité de la population ;
- une exode rurale croissante ;
- un système éducatif diversifié où les pauvres n'ont souvent pas accès, ou alors seulement aux “écoles borlettes” ;
- des élites économiques non haïtiennes, qui ne réinvestissent ni ne redistribuent les richesses accumulées. Pour eux, Haïti n'est qu'un comptoir commercial ;
- dans la première République noire du monde, la clarté de la peau est source de privilèges ;
- la politique comme voie rapide vers la richesse ;
- la corruption élevée au rang de sport national ;
- une justice orpheline de sa propre essence.
Je pourrais continuer cette liste pendant un jour entier sans l'épuiser. Je ne devrais pas être surpris qu'aujourd'hui, fuir le pays soit la seule solution. Moi-même, j'ai fui depuis le 21 décembre 2019. Mais toujours, les élites ne pensaient pas que les détonations d'armes viendraient perturber leur tranquillité, ni que ceux qui nettoyaient les vitres de leurs SUV viendraient les chasser de leurs villas perchées sur les collines.
Je ne justifie pas la terreur des gangs en Haïti aujourd'hui, mais la situation était prévisible au vu des faits cités plus haut. Elle était inévitable lorsque l'on élit un grivois personnage comme chef de l'État face à une professeure d'université. Elle était inévitable lorsque, pour consolider son pouvoir, on arme ceux à qui on n'avait jamais tendu la main. Elle était inévitable lorsque pour garantir les opérations de son 'business', on arme les anciens cireurs de ses 4X4. Elle était inévitable lorsque la diaspora dissimule des armes de guerre et des minutions dans les réfrigérateurs, les véhicules, les sacs de riz... envoyés en Haïti. Elle était inévitable quand tous ces faits sont l'œuvre exclusivement d'Haïtiens. Nous avons trop aidé les anciens colonialistes, qui ne nous ont jamais pardonné notre audace du 18 mai, du 18 novembre 1803, et de l'insolente journée du 1er janvier 1804. Il est temps que tous comprennent que la bombe est dans l'avion. La seule solution est de conjuguer nos efforts pour la désamorcer, peu importe votre place dans l'avion.
Gaspard DORELIEN, M.A.
Ottawa
19.03.24
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