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Soupe détox pou kase vant epi pou w gen bèl po
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“Nwèl san ou” penser à Noël en juin
Je suis conformiste. Mais sûrement pas en tout. J’adore écouter des chansons de Noël. Pas que durant la période de fin d'année. Nous sommes en juin. Mais l’une des chansons qui remuent tout mon être depuis une semaine est “Nwèl san ou,” interprétée superbement par Judith et Roosevelt Jean Noël, du groupe évangélique, Alabanza. C’est la même rengaine à chaque écoute, un tressaillement me prend des cheveux aux orteils et finit en larmes.
Capture d'écran de la vidéo de la chanson "Nwèl san ou" montrant Roosevelt et Judith |
Elle aura 23 ans en décembre. “Nwèl san ou” était sortie quatrième à l’édition de 1998 de la compétition “Konkou chante Nwèl,” de la mythique station de télévision haïtienne de la mi-des années 90, Télémax. C’est toute l’insouciance, la nostalgie, les jours heureux de ma vie de jeune universitaire frais et moulu que cette chanson, écoutée en boucle depuis une semaine, éveille en moi. À cela, s’ajoute le ton mélancolique du morceau. Ma plus grande faiblesse est une musique mélancolique. Je ne pleure jamais. Sauf sur ces types de chanson. Je n’ai pas d’explication nette. Mais les larmes ruissellent dans mon coeur et sur mes joues à chaque lecture de cette chanson de Noël, en plein mois de juin.
Ce n’est absolument pas parce que j’ai l’esprit à la fête. Loin de là. D’ailleurs ceux et celles qui se sont réclamés “bandits légaux,” de par leur méchanceté et leur incompétence suraiguë, ont tué, depuis des années, toute l’innocence de tout coeur haïtien qui penserait à la fête. Ces parodies de dirigeants, parce qu’ils ont été passifs et complices agissants du mal, des bandits armés rythment désormais la vie, sans joie, de nombre d’Haïtiens et d’Haïtiennes.
Je pense à Noël en juin, non pas que j’ai hâte que cette période arrive. J’écoute “Nwèl san ou,” non pas que je suis nostalgique d’une Noël passée loin d’une élue de mon coeur. J’écoute parce que j’aime ce frisson qui me traverse à chaque fois que les voix des deux talentueux chanteurs, de la clarinette et de la guitare de Yves Virgile… me titillent les tympans. Les paroles de cette chanson, écrites par le maestro Carly Joseph sont assez justes avec la signature pleurarde de la composition. Elles sont douces et pénibles à la fois. Toute cette émotion d’un temps que je ne revivrai peut-être plus jamais, me grise l’âme. Je suis peut être maso. Je répète ce mal encore et encore. Mais la chanson me fait voyager dans le temps. Ce temps où je restais scotcher devant mon téléviseur pour vivre le rêve festif que vendait Télémax à cette période de l’année. Je n’avais absolument rien pour fêter à cette époque. Je vivais la Noël, à travers ces chansons et l’ambiance qu’installait cette station de télévision dans les familles. Cette fête que seulement ceux-là et celles-là qui avaient les moyens, la vivait en vrai. Et comme il fallait. Je n’enviais personne. Je me contentais de l’immense bonheur spirituel que m’apportait les différentes chansons qui s’égrénaient sur mon petit écran. Je me nourrissais du ferme espoir que les moyens pour me mettre à la fête viendraient un jour.
“Nwèl san ou” m’arrache des larmes, parce que ce petit bonheur de rien du tout, n’est aujourd’hui qu’un lointain souvenir pour moi et pour tant d’autres Haïtiens et Haïtiennes. Il serait pour nous sans mesure si, en 2021, on pourrait, ne serait-ce qu’à moitié, replonger dans de pareilles ambiances. Sans être pessimiste, les perspectives de décembre 2021 sont pires que ce qu’on vit en juin sur ce bout de terre que les maîtres et maitresses de l’enfer ont acheté argent comptant.
La vie est devenue une absinthe, un fleuve rouge dégoulinant misère, insécurité et désespoir sous la présidence de cet arnaqueur de producteur de banane. Il est le digne héritier de ce vil personnage que nous comptons malheureusement parmi ceux-là qui ont été les premiers parmi nous. Quel haïtien, quelle Haïtienne, hors-mi ses complices et parrains, peut prétendre délecter les joies de la vie en Haïti en 2021?
Je suis loin de l’enfer instauré depuis peu sur cette terre par ces fossoyeurs du “Monsieur à la gueule qui pue” (#MesyeDjòlSalLa), mais je vis dans une peine sans nom, les malheurs qui tombent sur mes soeurs et frères haïtiens.
J’écoute en juin, cette chanson de Noël pour pleurer, pour conjurer mon mal du pays, pour aussi maudire ces agents de l’enfer qui prennent toute la place et nous rongent de l’intérieur comme de l'extérieur. Je pleure sur une chanson de Noël, en juin, pour que ces larmes deviennent des eaux en furie pour les emporter dans l’antre du diable.
Gaspard Dorélien