jeudi 2 février 2023

“Cabaret noir”: collage lumineux pour célébrer notre “sombritude”

 Un brassage hétéroclite où Frantz Fanon, Spike Lee, Dany Laferière, Aimé Césaire, Toni Morrison, Shakespear… se côtoient, se télescopent, se bousculent et s’harmonisent à la fois dans la pénombre et dans la lumière pour assumer la négritude; pour dire haut et tout bas une parole sur cette couleur de peau, assimilée à la mort du soleil. 


“…Parce que nous savons quelque chose que personne d’autre ne sait. Nous naissons bien-meuble, nous vivons nègre nous mourons chien”, écrit Mélanie Demers à la suite de  la mort de Georges Floyd en juin 2020, sous les genoux de Derek Chauvin dans le Midwest de l’auto-proclamé champion de la Liberté et de la démocratie, Les États-Unis d’Amérique. Ce texte a allumé la flamme qui a donné naissance au spectacle “Cabaret noir”. Ce dernier était en représentation au studio Azrieli du National Arts Centre, au coeur de la capitale du Canada, Ottawa, jeudi 2 février. Il est aussi programmé deux jours de suite, à 20h, à la même salle.

Cabaret noir: six acteurs vivants (Vlad Alexis, Florence Blain Mbaye, Paul Chambers, Mélanie Demers, Stacey Désilier, Anglesh Major) selon une mise-en-scène de Mélanie Demers, dans des postures peu conventionnelles, dans des costumes changeant au gré des jeux de lumières qui apparaissent, disparaissent, reparaissent… près de 90 minutes de performances où des extraits d’oeuvres de Frantz Fanon, d’Aimer Césaire, de Toni Morrison, de Dany Laferrière… sont scandés à voix sèches ou raisonnées dans des haut-parleurs invisibles… des chorégraphies, des bouts de spectacles, d’émissions de télévision ou de film sont superposés, collés, racolés, étalés, présentés, chantés, sifflés, susurrés… en français, en anglais et en créole haïtien… devant un public médusé et conquis.


Cabaret noir est un rassemblement harmonieux sur scène, de dénonciation, de cogitation de haute voltige, d’assumation d’une existence maculée de subordination, d’insubordination, de révolte, de joie dans le vécu tout comme de la gratuité de sueur et de sang versés pendant des siècles de barbarie parce que la différence a toujours été une peur blanche.


Fort était ce haut le coeur avec à la pièce du Nina Simone, du Billie Hallyday, de Haïti Troubadour… où s’entrelaçaient des jurons et obscénités en créole et en anglais… 


Cabaret noir est un spectacle cru, tacheté de surprises, de jeux de dominos qui se construisent, se déconstruisent, se réinventent pour chanter la négritude ou mépriser cette peur dont l’autre s’est servie pour être monstre et demeurer monstre.


Gaspard Dorélien, MA

Ottawa

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