"Sous le ciel d’Haïti," du bonheur en chanson par Ti Corn
Ce n’est pas juste ma chanson préférée de tous les temps. Ce n’est pas juste les louanges d’une Haïti que même les plus optimistes ne reverront jamais. C’est un hymne à la beauté du son, de la musique, de l’harmonie… Sous le ciel d’Haïti de Ti Corn, un pur bonheur de moins de trois minutes
Elle n’a pas écrit les paroles de cette chanson, longue de deux minutes et trente-neuf secondes. Elles sont de Marcel O. Gilles. Dit Tonton Gilles. Excellent compositeur capois, décédé en 2009. Ce sont des mots composés pour la voix de Ti Corn. Car elle épouse avec une sincérité décapante chaque phrase, chaque mot pour donner naissance à cette euphonie provoquant la chair de poule à chaque lecture. «Sous le ciel d’Haïti» est cette chanson que le temps ne vieillira jamais.
Une beauté absolue qui nous fait danser, sans demi-mesure, sur les cordes du bonheur. L’auteure de ce trésor en musique nous vient d’Allemagne, mais c’est le Cap-Haïtien qui l’a fait renaître haïtienne.
Cornelia Schütt-Richard pour l’Allemagne
Ti Corn pour Haïti Cornelia Schütt-Richard est née en Allemagne. En 1953. À deux mois, sa mère l’emmène dans la deuxième ville d’Haïti, le Cap-Haïtien. Sa famille y avait planté racine depuis 1832. Sur cette terre, elle sera rebaptisée Ti Corn par sa nounou haïtienne, Anna Colo. C’est à travers la voix de cette dernière qui veillait sur ses jours qu’elle a découvert la chanson traditionnelle et les contes d’Haïti. Anna, ne parlant que créole, par son amour a fait couler dans les veines de Ti Corn tout le rythme et la richesse de la culture haïtienne. Elle a été sa première source d’inspiration.
Son lien avec les tripes de cette Haïti bariolée, riche, tumultueuse… qui battait la mesure candide de la musique caribéenne. Au Cap-Haïtien, elle a appris à être haïtienne en cheminant sur ses rythmes et dans la chanson et dans la danse.
Sans se prétendre actrice, Ti Corn a joué dans Anita, de Rassoul Labuchin. Elle a tenu le rôle de Simbi et a prêté sa voix à la chanson thème du film, Anita. Les plus de trente ans ont sûrement été bercés par ses interprétations à succès comme «Colibri,» «Haïti chérie»… Mais «Sous le ciel d’Haïti», vidéoclipée, est celle qui, depuis ma tendre enfance, m’a toujours arraché cette larme de bonheur. Une chanson qui a aiguisé ma sensibilité pour la musique. La bonne musique.
«Sous le ciel d’Haïti» de A à Z
Cette chanson figure sur l’album «Haïti» qui a été réédité en 2010. Le groupe rap «Barikad Crew» l’a mis au goût du jour en reprenant une partie dans l’introduction d’une musique de son deuxième album.
«Sous le ciel d’Haïti», une voix bien assise sur un jeu enchanteur entre la douce vitalité de la guitare sèche et l'entraînante envolée du violon. C’est une guitare qui dandine sous un violon haletant. Elle introduit une voix posée, sincère et affirmative.
Quand Ti Corn commence à chanter, le violon s’estompe et la guitare fait la route jusqu’aux dernières paroles placées en français.
«Ah! qu’il est bon, qu’il est doux
D’être vivant près de vous
Bien au chaud, détendu
L’esprit quiet, rigolant
Sous le ciel d’Haïti
Oui je l’avoue, j’en suis fière j’en suis folle
Dieu merci et je chante»
Le violon revient, solennel, doux, susurrant la mélodie sur des paroles qui donne le frisson à tout amoureux d’Haïti. Des paroles plaçant le pays sur un piédestal pour son originalité; le cachet paradisiaque qui le caractérise et les relations harmonieuses entre habitants.
«Wi, pami tout peyi ke m konnen sou latè
Sèl Ayiti orijinal li san parèy
Paradi sou tè peyi de rèv
Yon syèl de pè, kote lajan pa di bonè
Kote tout moun se moun tout moun
Lè gran maten gade tout moun kouman y ap viv
Zanmou kouman w ye
E tout moun, e lakay?»
À mi-chemin du couplet ci-dessus, le violon ralentit, comme pour prendre son élan, et revient avec la force et la solennité du début pour lancer la strophe suivante. Dans celle-ci, on vante le côté pacifique du pays comparé à d’autres qui forgent des armes pour s’entretuer. Alors qu’en Haïti, on s’entraide, on fait la fête avec le tam-tam.
«A! Nou pa konn ki gran bonè gen Ayiti
Lòt ap fè zam pou yo touye tout frè a yo
Nou n ap fè konbit graje manyòk
N ap jwe gita, frape tabou fè kè kontan
Anba pye bwa san kè sote
Chak jou kon ti poul n al di Bondye yon gran mèsi
Nou gen yon trezò
Nan lapè paradi.»
La même ligne harmonique se reproduit pour la dernière partie de la chanson. Les paroles dénoncent la violence présente dans le quotidien des grands pays. Elle termine pour confirmer qu’Haïti est l’idéal.
«Nan gwo ki swadizan sivilize
Krim pou chak jou se pa santèn yo kontwole
Anbisyon lajan fè ke tout moun
Pèdi bonte, vini sovaj, viv san pitye
Kè yo byen di, tanpi pou lòt
Ayiti cheri gade fòfè nan cinema
Pa gade gwo kay, gwo foli
Ou se lideyal manman m, ay!
Ou se lideyal
Ou se lideyal»
Des déclarations positives de ce coin de terre que nous dépeçons chaque jour pour le transformer en enfer à quitter absolument par beaucoup...
C’est une chanson savamment orchestrée dans une simplicité renversante. Une guitare sèche qui trémousse avec un violon conférant une incontestable solennité à des paroles singulières. Fortes. Chargées de sens. Des paroles d’une Haïti du temps longtemps. Des paroles qui vous scotchent dans un passé meilleur que le présent. «Sous le ciel d’Haïti» est ce court moment de bonheur pour les tympans, l’âme et l’amour d’Haïti. Indétrônable. C’est, de tous les temps, ma musique préférée.
Merci Ti Corn.
Gaspard DORÉLIEN, Master of Arts
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