Harmonik, le trio parfait

Ce n’est pas pour leur envoyer des fleurs, d’ailleurs je n’en ai jamais offert aux hommes, mais Mac D, Nickenson et Sanders sont des chanteurs parfaits! Oui l’adjectif utilisé est bien le mot parfait. Ce n’est ni une exagération ni un cadeau. J’ai des arguments. À eux trois, ils forment le plus harmonieux groupe de Compas de tous les temps: Harmonik!

Le trio magique: Nickenson, Mac D et Sanders

On se le dit. On le sait. On le vit et on s’en abreuve. La musique du groupe Harmonik est un vrai délice pour les mélomanes haïtiens qui aiment le Compas, héritage de Neymour Jean-Baptiste. Bien entendu, ce n’est pas le Compas comme l’entendait le père de ce genre musical, mais l’essence est gardée avec un arrosage de la sauce nouvelle génération. Le trio est parfait parce qu’ils ont des voix agréables à entendre, parce que le rendu est travaillé, n’est pas forcé et ils se permettent de naviguer avec aisance sur des notes difficiles. Des notes que d’autres confrères ne prendraient même pas en rêve ou dans la solitude de leur salle de bain. Certaines de leurs créations sont armées d’une esthétique recherchée.

Le seul trio qui les égalait était Carimi. De regretté mémoire. Ils sont aujourd’hui les maîtres incontestables du Compas nouvelle génération. Leur musique est magistrale; leur harmonie, magiques; leur mélodie réussie et leur plus grande force demeure dans leur vocale. Ce sont des chanteurs au plein sens du terme.

Réussite méritoire

Ce ne sont pas des chanteurs qui ont réussi parce que leurs parents avaient un nom dans le Compas ou qu’ils appartiennent à une catégorie sociale haïtienne à qui toutes les portes sont ouvertes. Et ils n’ont pas non plus batti leur réussite sur la grivoiserie qui constitue le fonds de commerce de certains pseudos musiciens haïtiens. Ils dominent la sphère musicale haïtienne, parce qu’ils ont du talent et s’en servent pour créer de la beauté et apporter du bien-être aux tympans et aux coeurs des amants de cette musique des Tropiques. Et surtout du bonheur aux ceinturons des danseurs de l’ombre.

Une musique pour danser collé et serré

Oui, la musique du groupe Harmonik invite à danser. À danser collé . Et serré . À plugger, comme on dit chez nous. En effet, le Compas est une musique complice des corps comprimés dans le noir. C’est une danse qui se pratique rarement dans la lumière du jour ou sous les projecteurs. Des fois on peut même se demander ce qui empêche aux danseurs de connecter leurs sexes? Ou se demande-t-on, qu’est-ce qui empêche à deux personnes qui viennent de plugger de prendre tout de suite la direction de la chambre pour terminer ce qu’ils ont commencé sur la piste? C’est une danse extrêmement sensuelle, ostensiblement charnelle et incontestablement sexuelle.

Quand deux personnes sont collées ensemble et laissent parler que leurs bassins où le plus souvent le sexe de l’homme se durcit, où la partenaire sent frotter contre elle le membre dur et l’aide davantage dans son durcissement, c’est une vraie relation sexuelle qui s’entreprend, mais sans pénétration. Et la musique du trio Harmonik se prête bien à ce jeu. La sensualité dégagée dans leurs voix et la douce mélodie qui charpente les compositions du groupe, invitent les bassins à se coller. Dans les fêtes, les restaurants dansant… on peut ne pas danser sur toutes les musiques diffusées, mais quand Obsede, Illegal, Cheri benyen m… sont tournées, les doigts se mêlent, on se lève, on cherche le coin le plus sombre pour se compresser et se laisser bercer ou laisser les pelvis se parler. Ils ont fait des merveilles musicales avec des textes, peu profonds certaines fois.

Des mélodies, rien que des mélodies

Cheri benyen m par exemple, est un texte banal. Sans poésie avec peu de profondeur. Mais, mis en chanson avec la voix de Mac D, c’est devenu un hit. Sur Youtube, cette musique a cumulé des millions de vues sur toutes les plateformes qui l’ont abusivement mises en ligne. Mac D l’a génialement chanté et lui a cédé tout le charme que la gente féminine trouve à ce chanteur qui se sait charmant et qui agit comme tel.  J’ai vu une interview de celui-ci accordée à une journaliste haïtienne où les yeux de celle-ci suintaient littéralement derrière ses lunettes.
Le succès de la plupart des morceaux de ce groupe est souvent dû  à la force de la mélodie, de l’harmonie des voix quand elles se mettent en chorale et souvent au maestria du chanteur principal, Mac D. Certains de leurs textes, si on les avait offerts à des groupes majeurs du compas, seraient des ratés et se seraient passés inaperçus. La composition du groupe est juste une rencontre explosive de trois génies de la musique haïtienne et de beaucoup d’autres visages et noms restés dans l’ombre.

Le trio pétulant

Nickenson Prud’homme avant de former le groupe était le musicien qui avait sorti  en 2005, l’album chef d’oeuvre, “Première danse”, avec le titre que tout le pays chantait, “Zanmi”. Il est un excellent claviste, compositeur et arrangeur qui a pour modèle le légendaire Fabrice Rouzier. Mais avant de se présenter en solo, Nicky avait cumulé nombre d’années d’expériences au sein de Djakout Mizik et de Zenglen. Il est à lui tout seul un groupe aux performances hallucinantes.
Mac D s’était fait connaitre comme chanteur au sein du groupe KDans. Il avait tout de suite retenu l’attention du public, car cette formation musicale avait la tradition d’avoir  au devant, d’excellents chanteurs.
Sanders Solon a, de son côté, joué de la guitare dans la bande de celui venu de nul part et qui s’est fait parachuter président d’Haïti de 2011 à 2016, l’impénitent Sweet Micky.

Les trois, sous la roulette de celui qui est à l’origine du plus grand événement Compas de la planète, Hatian Compas Festival, Rodney Noël, propriétaire du restaurant à Miami, Moca Café, ont mis sur pied en 2008 le groupe Harmonik. Aujourd’hui, ils sont 11 en tout à concocter la magie de la musique harmonieuse que les mélomanes reçoivent, fredonnent et dansent avec joie. Le groupe a, aujourd’hui 16 août 2019, 11 ans et 1 jour. Leur discographie compte pas moins de 4 albums. Mais leur contribution aux petites allégresses et aux pleurs mélancoliques des mélomanes est infinie.

Gaspard Dorélien, Master of Arts