dimanche 17 novembre 2024

Sublime rendez-vous de Beethova Obas à Gatineau

 Sans fioriture, sous le rythme d’instruments adroitement travaillés, Beethova Obas a marqué un rendez-vous de l’Histoire d’Haïti à Gatineau. À travers un concert au Musée canadien de l’Histoire, le légendaire artiste haïtien fort de 35 ans de carrière a ravi un public de tous âges le dimanche 17 novembre. Petit compte rendu! Exhaustif à souhait!



“On ne se lassera jamais de se remémorer ce haut fait d’armes de notre histoire. La grande victoire de l’armée indigène contre les forces colonialistes françaises à Vertières, le 18 novembre 1803, est une branche à laquelle nous restons accrochés, même loin d’Haïti”,
murmure à mon oreille une spectatrice d’une soixantaine d’années lors du concert "Rendez-vous avec l’histoire" de Beethova Obas. Ce spectacle, organisé dans le théâtre du Musée, s’est révélé être un franc succès. Fidèle à son style et à ses trois décennies de carrière, Beethova a livré pendant trois heures ses plus belles compositions. À en croire les réactions du public, la prestation a largement répondu aux attentes. 


19h02.
Des bruits d’orage marquent les premières secondes du spectacle, suivis d’une introduction contextualisant l’événement. Malgré la situation chaotique d’Haïti en 2024, les organisateurs ont tenu à commémorer cette date historique : le 18 novembre 1803, la bataille de Vertières, prélude à l’indépendance haïtienne proclamée le 1er janvier 1804. Un extrait du discours d’Edgar Leblanc Fils, prononcé à l’ONU le 26 septembre, a été diffusé. L’ancien président du Conseil présidentiel y rappelait l’épopée de 1804 et la dette imposée par la France, freinant le développement de la jeune nation.

19h07. Beethova, guitare à la main, fait son entrée par le côté gauche de la scène. Le premier morceau est une invitation au rassemblement, un geste plus que nécessaire dans le contexte actuel d’Haïti.

19h13. Après un chaleureux “Je suis très heureux d’être avec vous ce soir,” un spectateur réplique spontanément “nou menm tou” (nous aussi).


De là jusqu’à 21h40, un lien sincère et complice s’est tissé entre l’artiste engagé et une salle comble aux trois quarts. Son œuvre, témoignage de son dévouement à son pays, a ému et enchanté le public.

Des classiques tels que “Nou pa,” “Si,” “Tchele tchele” et “Vant kòde” se sont enchaînés, suscitant parfois des larmes chez les spectateurs. À 20h01, une pause a permis à Beethova de souligner avec humour : “À mon âge, mes fans aussi ont besoin de pauses pour se soulager.”

Pendant l’interlude, l’Ambassadeur d’Haïti au Canada, Weibert Arthus, a remercié l’artiste pour son engagement et sa musique. Une plaque honorifique lui a été remise par la mission diplomatique.

Dans le public, on comptait aussi la présence de la Consule générale d’Haïti à Montréal, Mme Guerline Frédéric Desrosiers.


À 20h34, Beethova revient sur scène sans sa chemise blanche et sa veste bleu marine. Et sans les musiciens et choristes. C’est un maillot noir avec l’inscription “Nou se bon bagay” qu’il présente la deuxième partie du spectacle. 

Il chantera “Bravo manman”, seul sur scène, avec sa guitare, “Bravo manman”. Un pur moment de tendresse. 


“Kè m poze”, le 11e morceau est un mélange de “sauce cubaine, de rythmes haïtiens et d’harmonies brésiliennes”, explique l’artiste.



Suivront “Eleman”, “Bon baya”, “Ti papa” puis finalement “Couleur café” et “Lina”. Dans la dernière partie, face à un public conquis, Beethova a fait de sa la salle son choeur. Celle-ci, enjouée et euphorique, s’est prêtée au rôle.


Ce n’était pas un concert pour danser. Non plus pour se faire caresser le tympan par des accords de voix angéliques. Bien qu’au dernier morceau “Lina”, l’assemblée, comme une seule personne s’est mise debout pour danser et faire entendre sa voix. Ce spectacle a été surtout un moment où la magie des paroles remplies de sens s’est combiné aux instruments pour accoucher une expérience unique. Un temps avec Beethova c’est réfléchir sur nos manquements, nos doutes, nos dérives mais aussi sur notre résilience, nos exploits passés, notre haïtianité, notre identité de peuple inventeur de la liberté.


Gaspard DORÉLIEN

Ottawa,

17.11.24

23h23

samedi 16 novembre 2024

Hello hello Fatima !

 


Je dois un texte à toute chanson mélancolique qui pousse mon téléphone à la jouer en boucle. Hello! de Fatima m’a happé le cœur. C’est un cri profond d’une âme blessée qui réclame un amour vrai. C’est une pépite qui mérite une longue écoute répétée.


Avec cette voix douce et authentique que l’on connaît à Fatima, elle nous livre Hello! : un texte d’une qualité qui dépasse la moyenne.


Cette chanson, tirée de son deuxième album (Proteje m), touche profondément les mélomanes. Elle évoque une réalité que beaucoup ont connue ou connaissent encore : le traumatisme de l’amour faux. Ceux et celles qui n’ont pas connu la loyauté, à qui on a été infidèle, à qui on a menti pendant longtemps, se reconnaissent dans cette chanson. En témoignent les milliers de vidéos qui circulent sur Instagram, Facebook et TikTok, où cette musique sert de toile de fond.


Au-delà du ton mélancolique qui m’a conquis et de certaines paroles qui me touchent particulièrement, le chœur qui accompagne la voix envoûtante de Fatima est une vraie réussite. On dirait que la voix de l’une des plus belles figures de la musique haïtienne a été dupliquée pour enrichir le chœur. C’est un très beau morceau qui plaira aux amoureux des sons mélancoliques.


C’est l’expression d’un cœur blessé, en quête du véritable amour. Mais c’est aussi une affirmation, une reprise en main de soi-même et de sa vie amoureuse. Les hypersensibles verseront des larmes en l’écoutant, et ils la joueront encore et encore.


Parmi les paroles du texte, une m’a particulièrement marqué : « avoir un cœur à vendre ». Avec mon expérience, je dirais que c’est une vision toxique de l’amour. Dans cette transaction, ni le vendeur ni l’acheteur ne seront comblés. Celui ou celle qui vend aura trop d’attentes, responsables de blessures difficiles à cicatriser. Et celui ou celle qui achète, croyant avoir payé, ne se sentira pas obligé(e) de donner en retour. Un cœur, ça se donne. Hello! Fatima ! On ne vend pas son cœur, à aucune condition !


Gaspard DORÉLIEN

Ottawa

16.11.24

17h17






samedi 24 août 2024

Bélo, Ottawa, Intimité…

 Dix-neuf ans de carrière et une première prestation à Ottawa. Dans une atmosphère intime, l’artiste de Lakou Trankil a réinventé la scène du Richcraft Theatre, situé dans la chic banlieue d’Orléans à Ottawa. Ce samedi 24 août, Bélo a joué à guichet fermé, captivant un public conquis. Immersion dans un concert où la qualité musicale s’est harmonieusement mêlée à la finesse d’un auditoire averti.

Si le temps peut marquer certaines voix de ses rides, il a, chez Bélo, sublimé la sienne. Tout comme son physique, resté inchangé, le talent du Champion Découvertes RFI Musique du monde 2006 n’a fait que se bonifier. L’artiste engagé a offert à son public un moment de proximité, révélant ses origines, ses défis, ses interdits, et son amour irréversible pour la musique de qualité, ainsi que son attachement profond à son pays natal. Son engagement à chanter ce qui résonne pour Haïti a été au cœur de cette rencontre.

À 19h54, Bélo est monté sur scène sous les applaudissements enthousiastes du public. Le concert a débuté avec "Mizik a Jah", extrait de son premier album paru en 2005 sous le label Solèy Sounds, qui avait déjà marqué l’avènement de l’icône du Ragganga.

Avant le deuxième morceau, Bélo, avec une modestie empreinte de fierté, a partagé ses origines : celles d’un petit garçon rêveur, grandi dans un quartier défavorisé de la capitale haïtienne. En Haïti, la voie artistique est souvent décriée, perçue comme un chemin menant à la débauche, la drogue, et la pauvreté assurée par les parents. Sa mère, analphabète et "Dâme Sarah",voulait pour son fils un avenir stable, loin de la musique. Mais malgré ces interdictions, Bélo a suivi sa passion. S’il a étudié la comptabilité, c’est finalement la guitare qui est devenue sa compagne, sa voix singulière, reconnaissable entre mille, l’a porté sur la scène 

La deuxième musique exécutée est un hommage à ce que Bélo appelle une magnifique ville de son pays, Jacmel.

Entre la troisième et la quatrième chanson, Bélo a raconté l’histoire de "Jasmine", l’unique titre de son premier album qu’il n’a pas écrit. C’est avec celui-ci que le public l’a découvert en 2005. Il a été sur toutes les lèvres à cette époque. Entrainant à souhait, ce texte écrit par Moneyrich, a été enregistré, gracieusement, pour la première fois en 1996, dans le studio du géant de la musique haïtienne, Dadou Pasquet.

Jasmine n’a pu être distribué dans les différentes stations de radio de la capitale pour une seule raison: une cassette de marque TDK Type II. Celle-ci coûtait à l’époque 25 gourdes. L’équivalent de de 25 sous canadiens au taux d’aujourd’hui. Toute l’équipe de Bélo réunie, le manager compris, n’avait pas les moyens pour acheter plusieurs TDK Type II que les radios exigeaient pour recevoir une musique destinée à être diffusé en onde. C’était pour une bonne cause, car l’énorme succès de Jasmine en 2005 à imposer Bélo dans le registre des fabricants de la musique de qualité en Haïti et ailleurs. 

Le public qui pouvait intervenir dans les intermèdes a pressé Bélo de revenir. Surtout à l’hiver pour rameuter, à travers sa musique, la chaleur d’Haïti dans le froid glacial du Canada. 

Pendant deux heures, le public du Richcraft Theatre a voyagé dans l’Haïti du début du millénaire, avec Bélo interprétant seize titres de son répertoire. La soirée a été marquée par des moments d’émotion intense (une âme sensible a versé discrètement de chaudes larmes sur Lakou Trankil). 

À 21h23, les dernières notes du légendaire Lakou Trankil retentit dans la salle, où toutes les chaises, le temps de son exécution, étaient orphelines. Petits, très petits et grands se sont donnés à coeur joie dans ce morceau aux paroles qui réclament la paix, le changement et le respect dans ce qui est considéré comme la plus petite agglomération dans l’espace rural d’Haïti: lakou. Si tous ont dansé, chanté, une certaine personne, obnubilée par une chronique nostalgie d’Haïti, n'arrêtait pas de s’éponger les joues, d’où ruisselaient des larmes brulantes. 

21h40, Jasmine, revisité à l’occasion, a enflammé le théâtre. Ce morceau est resté dans le coeur, la tête et l’âme des plus anciens et a aussi été bien accueilli sur le territoire des plus jeunes. 

Cette prestation de Bélo, loin d’être ordinaire, a été marquée par des éléments extraordinaires. Le guitariste, le batteur, le claviériste et le bassiste, qui n’en étaient qu’à leur deuxième collaboration avec Bélo – après un concert à Montréal la veille –, ont joué avec une telle aisance qu’on aurait pu croire qu’ils accompagnaient l’artiste depuis toujours. Ottawa, habité par un public réputé casanier, a pourtant offert à Belo un événement affiché complet dès le vendredi précédent. Parmi les spectateurs, des enfants de 7 ans côtoyaient des sexagénaires, et tous, d’une seule voix, chantaient les succès de Bélo.

Bélo en toute intimité à Ottawa, un moment de qualité, une communion sincère avec un artiste dont le talent continue de séduire une audience sélective. Le prochain arrêt de l’artiste sera dans le Connecticut, aux États-Unis, le 3 octobre.

Ottawa
24.08.24
23h58



vendredi 16 août 2024

…Une envie d’ambiance d’aéroport


Elle est aussi folle qu’immense. Je serais tellement bien si, ce vendredi 16 août, je faisais glisser à côté de moi un “carry-on” dans les allées d’un aéroport. Pas comme presque toutes les autres fois où je ressemblais plus à un “homme-Sara” qu’à ce voyageur léger que je visualise en ce moment. J’ai envie d’écouter les annonces de départ des vols. De faire du lèche-vitrine dans les boutiques où je n’achèterai rien. Sauf peut-être un ou dix livres (je l’ai déjà fait. Plus d’une fois.). J’ai envie de croiser des Asiatiques (ils sont toujours en grand nombre dans les aéroports où je passe). J’ai envie de voir des gens pressés qui sont sur le point de rater leur embarquement. J’ai envie de voir des avions qui atterrissent et qui décollent…

Mais tout ça n’est pas possible. Je suis en congé sans l’être véritablement (allez demander pourquoi à #MisyeDorélien). En plus, les moyens sont loin d’être suffisants pour m’offrir ce luxe. #MisyeDorélien a tout troqué contre de “plus importants investissements”, argue-t-il.


Mais je suis rempli de joie à l’idée qu’en ce moment même, ma princesse #Annie est dans cette ambiance. Elle voyage pour aller à l’université. Oui ! Ma fille est assez grande pour entrer à l’université. Je ne sais pas si elle vit l’ambiance de l’aéroport comme moi je l’aurais vécue, mais elle en aura pour son itinéraire bon marché (austérité oblige!). Deux jours pour décoller et atterrir dans quatre aéroports.

Tout comme moi (ou nous), elle a opté pour la COMMUNICATION. Mais il faudra beaucoup pour que tout aboutisse. Chez Oncle Sam, faire des études supérieures en étant immigrante de parents pas encore riches, c’est un véritable parcours du combattant. Dieu est grand ! Ma détermination de travailler l’est aussi. Fort heureusement ! Et pour cela, je saisis de mieux en mieux l’austérité imposée par #MisyeDorélien et son acharnement à me faire bosser, parfois, plus de 12 heures par jour.

J’ai la foi. Un jour viendra où aucune envie saine n’aura de restrictions. En attendant, #TiGas, dépose le téléphone et retourne travailler.

Gaspard Dorélien

#Ottawa
16.08.24
16:53

lundi 27 mai 2024

L’idée d'être avec toi

Le hasard doit sûrement ne pas exister. Ce qui est aujourd’hui était juste un rendez-vous. J’ai adoré ce que tout le monde appellerait hasard ou accident dans la rencontre de la pétillante Solène (Anne Hathaway) et du gentil et audacieux Hayes (Nicholas Galitzine) dans le film "The Idea of You". Cette histoire (bien que je n’en sois qu’à la 56e minute) est une excellente leçon sur l’imprévisibilité et la tangibilité de l’amour. Je ne sais pas si les 61 minutes qui restent me décevront, mais j’adore l’idée d'être déjà avec toi. Amour!



J’ai toujours admiré Anne 
Hathaway. Il paraît que les années ont bonifié cette merveilleuse actrice qui ne fait pas ses 41 ans. Elle est sublime. Éclatante. Et incroyablement crédible dans ce rôle gênant qu’elle joue dans ce film, dont Gabrielle Union est l’une des productrices. Le jeu d’Anne est naturel, adroit et séducteur. Elle a 40 ans dans le film et développe une amourette avec un garçon de 24 ans. La connexion était inattendue. La relation, au regard de la logique sociétale, devrait être impossible. Dans la 70e minute et poussière, la dure réalité les rattrape ou du moins, rattrape la Solène de 40 ans. Je suis le déroulement. Espérant que Robinne Lee, actrice et autrice du roman du même titre, de qui le film a été adapté avait trouvé un dénouement à la hauteur de la première heure de l’histoire.


87e minute. J’adore jusqu’à présent le dénouement. J’adore le message lancé contre ce faussé généralement admis entre l’homme et la femme. Le premier sexe n’est jamais jugé quand il se met avec une jeunotte. Mais quand c’est le deuxième sexe que l’amour fait sortir des sentiers battus, on fait tomber sur son dos toutes les foudres du ciel.


Il est 4h30 du matin. Je dois être au bureau dans moins de 5 heures. Mais il reste encore 30 bonnes minutes avant la fin. Je croise les doigts contre toute déception.


89e minute. Je viens de hurler de surprise. Une surprise heureuse. Je ne vais pas vous “spoiler”. Je ne dis rien. Mais la dernière action dans le studio d’enregistrement entre Hayes et Solène est une perle. C'était tellement  inattendu, drôle et profond à la fois.


Continuons. Les doigts toujours croisés.


“Le monde déteste le bonheur des femmes”, vient de lâcher Tracy (Annie Mumolo), une copine de Solène. C'est probablement vrai. Mais, de ma perspective, je ne pense pas que ce soit différent pour les hommes. En tout cas, on n’a semblé avoir jamais aimé le mien.

Retournons au film, vite fait.


5h04. J’ai les yeux inondés. Pas une once de déception. C’est le meilleur film romantique que j’ai regardé depuis 2024. Un presque sans faute pour l'autrice et scénariste Robine Lee, pour le réalisateur Michael Showalter et surtout pour les deux personnages principaux, la délicieuse Anne Hathaway et le talentueux Nicholas Galitzine. L'amour, toi, tu es merveilleux. Ce sont les mauvaises combinaisons qui te souillent la plupart du temps. Sinon, l’amour est beau. Éternel. Magique. Remplissant.

The Idea of You, je vous le recommande. Vivement!


Gaspard DORÉLIEN, Master of Arts

Ottawa,

27.05.2024

5h12 AM


La bande annonce du film



samedi 25 mai 2024

Une esquisse de pas en exil

Bon, d’accord, ce n’est pas la première chanson qui me presse dans une urgence de danser. Mais “L’exil” de Laurie Darmon vient d’être la première à me titiller autant les jambes et tout le corps à esquisser des pas dans une lenteur pressante. Trop pressante !


Je l’ai découverte seulement hier. En vagabondant sur le story du compte Facebook d’une magnifique dame. D’ailleurs, je l’ai remerciée dans un commentaire pour la chanson. Depuis hier jusqu’à l’instant présent, mon téléphone doit se lasser de l’écoute en boucle de cette chanson.

La chanson est un hommage à sa grand-mère qui se retrouve sur une autre terre, un autre continent… elle évoque ses souvenirs. Les parfums, les couleurs… Elle parle de l’exil de sa grand-mère. Mais c’est fait avec une telle douceur dans un langage fort poétique. La musique est lente et tendre. La voix de Laurie aussi. Ce n’est peut-être pas le genre de texte qui inciterait un romantique comme moi à vouloir se lover dans les bras d’une femme pour arrêter le temps, le temps des 4 minutes de la chanson. Mais depuis la première écoute d’hier soir, je n’ai eu qu’une envie indécente : me fondre dans la lenteur complice de cette pièce.

À 11h, ce matin,  un corps, des bras d’une femme qui traînait dans l’appartement m’ont permis d’épouser cette urgence lente. Ses pas étaient gauches, après quelques corrections et suggestions, elle a retrouvé le rythme. On a synchronisé nos lenteurs. C’était presque parfait. Ça l’aurait été si ce n’était un instant que tous les interdits marquaient au fer rouge. Mais tant pis. Nous deux sommes déjà des exilés. Ce n’est pas l’exil chanté par Laurie qui nous ramènerait au pays.


Gaspard DORÉLIEN, MA

jeudi 23 mai 2024

Quand nous entravons l’amour

Les plus grandes entraves en amour sont les attentes. Si tu comprends cette assertion, nul besoin de continuer ta lecture. Sinon, lis jusqu’au dernier mot. Je décris ci-dessous comment nos attentes mettent en péril toute relation amoureuse.



J’en ai récemment parlé dans l’article “On nous a compliqué l’amour”. La première espérance illusoire que nous nourrissons en couple, c’est de désirer que l’autre nous comble de bonheur ou de chercher à le combler. 


La première méprise que nous commettons presque tous, c’est de voir le couple comme un lieu de réparation. Nombreux sont ceux qui se mettent en couple pour soigner une blessure d’enfance, pour se remettre d’une séparation douloureuse ou pour remplir un vide qui nous a toujours habités. C’est peut-être ardu à accepter et à assimiler, mais c’est un fait : “si on ne peut pas être heureux seul, on ne le sera jamais en couple.”


Le bonheur doit émaner de soi. On doit être suffisamment complet pour générer son propre bonheur. On se met avec l’autre pour prolonger notre bonheur ou pour partager tout l’amour et tout le bonheur que l’on portait déjà en soi. Permettez-moi de me répéter, le couple n’est pas un établissement thérapeutique. Votre partenaire ne peut pas et ne doit pas assumer le rôle de thérapeute. Si vous souffrez de traumatismes d’enfance, cherchez de l’aide. Guérissez-vous d’abord. Car c’est réalisable. Si votre cœur a été broyé, il y a moyen de recoller les morceaux et de le reconstituer. Oui, ce miracle est possible. Je témoigne d’expérience. Mais il est extrêmement difficile d’y parvenir seul. Les thérapeutes, les psychologues, les coachs de vie… sont aussi essentiels lorsqu’on souffre de ces blessures émotionnelles que l’intervention du médecin en cas de douleur abdominale. Pourtant, on minimise encore aujourd’hui la nécessité de ces professionnels du bien-être mental dans toutes les sociétés. C’est pourquoi nous avons tous tendance à compter sur l’amour pour nous restaurer. On entre dans une relation avec toute son entièreté. Notre amour. Notre bonheur. Nos rêves. Nos objectifs. Notre personnalité. Et toute notre disposition à partir lorsque le respect, la fidélité, l’amour… ne sont plus au rendez-vous. Car on doit suffisamment s’aimer et se valoriser pour ne pas tolérer l’intolérable. Pour ne pas implorer d’attention, de compréhension, de respect… Car si l’autre vous désire, tout cela sera offert généreusement sans que vous ayez à les réclamer.


Une seconde attente qui barre sérieusement la route à l’amour, c’est d’exiger que l’autre réagisse à notre manière, à notre sauce, selon nos propres normes. Nous sommes chacun formés d’une individualité découlant de notre éducation, de nos influences, du cadre émotionnel autour duquel nous avons gravité avant de rencontrer celui ou celle avec qui nous partageons un bout de chemin ou tout le reste de notre vie. Et chaque parcours est singulier et produit souvent des résultats uniques. Il est donc impensable de s’attendre à ce que l’autre puisse s’adapter à nos propres modèles. La meilleure démarche est de se souvenir que son partenaire est un individu unique, programmé différemment de soi. Et qu’il est normal que ses réactions ne coïncident pas avec les nôtres. Pour se prémunir de toute déception engendrant de la frustration, il faut éviter de se munir d’attentes précises. Car si on persiste dans cette direction, on pourrait s’engager dans une autre quête encore plus fatale pour la relation : le désir de changer l’autre ou penser qu’il ou elle va changer.


C’est encore un autre obstacle très, voire trop, courant dans les relations de couple : vouloir changer l’autre. Ceux qui nourrissent leur esprit d’une telle espérance se retrouvent invariablement sur le banc de la déception et de la frustration. Car ce que l’autre est aujourd’hui est le résultat d’une longue, d’une très longue évolution. Et ce rendu, même s’il peut ne pas être définitif, est souvent très ardu, pour ne pas dire impossible, à modifier. Sauf si l’autre prend conscience du modèle à changer et s’engage de manière déterminée et constante à effectuer ce changement. Et même là, il y a des cas où, malgré toute la volonté du monde, il ou elle n’y parviendra jamais seul. Prenons le cas d’un ou d’une pervers (e) narcissique. Il est improbable qu’il ou qu’elle cesse d’être ainsi, sans un suivi sérieux d’un thérapeute. Car un ou une pervers (e) narcissique est une victime d’un passé qui ne lui était pas du tout favorable et qui le prédispose corps et âme à être un fléau dans la vie des autres. Si vous avez le malheur de tomber sur une personne de cette catégorie et que vous espérez qu’elle change, “ou mèt vann Bondye jounen w” (vous pouvez vendre vos journées à Dieu), me répétait une certaine personne.


En définitive, pour libérer l’amour de toutes ces entraves et de nombreuses autres que nous n’avons pas abordées dans ces lignes, il faut se souvenir et appliquer l’une des règles fondamentales du Stoïcisme : “ne pas avoir d’attente.” Mais vous me demanderez immédiatement, comment ne pas avoir d’attente dans une relation amoureuse ? La réponse n’est pas simple. Car presque toute notre construction en tant qu’être social, nous prédispose à avoir des attentes vis-à-vis de l’autre. Mais il faudrait aussi vous demander pourquoi tant de relations amoureuses ne fonctionnent pas ou finissent par une rupture ? C’est parce que nous entrons dans les relations étant incomplets, malades, vidés… et par conséquent on compte sur l’autre pour nous compléter, nous guérir, nous remplir… 


Un ou une partenaire n’est pas un ou une thérapeute. C’est à nous, bien sûr accompagnés de spécialistes de la santé mentale, de guérir nos blessures, de remplir nos vides et de forger notre bonheur. Je me répète, si on n’est pas heureux seul, on ne le sera jamais en couple. Et si on s’aime assez fort et vrai, on sera bien dans sa peau et il sera plausible pour nous de ne pas avoir des attentes vis-à-vis de l’autre qui, lorsqu’elles ne sont pas satisfaites, engendrent amertume et frustration. La seule chose que l’autre nous doit, et que nous lui devons aussi, est le respect. S’il est présent, il n’y aura pas d’infidélité, pas de mépris, pas de négligence, pas de trahison… et le couple sera juste un terreau pour l’épanouissement de notre bonheur. Et non le lieu où naîtra notre bonheur. Ce dernier ne doit éclore qu’en nous. Si vous vous demandez comment le faire naître en vous ? Cela signifie que vous êtes qualifié pour chercher de l’aide. Et ça, c’est OK. Tous ceux et toutes celles qui ont cherché de l’aide en sont sortis victorieux (ses). Expérience vécue!


Gaspard Dorélien, MA