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mardi 20 février 2024

Que serait la vie sans musique ?

Je me répète encore. Musique sur les routes grises d'Ottawa, émotions fortes, larmes discrètes. Je n'y peux rien. Quand ça me plaît, les larmes ne sont jamais loin. Mais cette fois-ci, mes deux compagnes de route n'ont rien vu. Le ciel grisâtre est devenu bleu. Avec “Desert Rose” de Sting et “Flora's Secret” d'Enya, j'ai comme flotté en conduisant. Une fois de plus, j'aurais été le plus heureux si la vie m'avait quitté à cet instant. Que serait la vie sans ce don divin qu'est la musique ? Vous savez, vous ? J'imagine un tableau morne et mortel !


Huit mois se sont écoulés depuis que je n'y ai pas goûté. Recommandation de mon médecin de famille. Interdiction héritée de la montagne russe qu'ont été mes jours en 2023. Le café, qui ici ne garde pas la promesse de son odeur, m'a appelé ce matin. Je l'ai travesti en y ajoutant deux cuillères à soupe de lait malté (Ovaltine). J'ai presque retrouvé la béatitude connue sur la King Edward ce matin, avec les haut-parleurs qui diffusaient toute la poésie de “Desert Rose” et toute la douceur divine de la voix d'Enya dans “Flora's Secret”.

Un cortège de mots parlant de rêves, de pluie, de désert rose, de fleur du désert, d'intoxication à l'amour, de ciel vide... tout cela dans une orgie entre le violon, la batterie, la guitare... et une vocalisation qui vous donne de doux frissons aux tympans. La musique est la mémoire des souvenirs qui tempèrent ou volcanisent mon cœur. Mes sens entrent en transe quand les paroles se font complices des instruments, épousant des symphonies assimilables à de la magie pure. Je me contiens en présence des autres, comme ce matin. Seuls mes yeux ont trahi mes émotions, humides à souhait. Les mêmes larmes reviennent à chaque écoute. C'est en boucle que j'écoute ces perles, sans jamais me lasser.

Je sais que je blasphème en tentant d'utiliser des mots pour traduire l'effet de la musique sur moi. Ce que je vis avec les sons qui me parlent relève du divin. Je suis à la fois apaisé et bouleversé. Dans ces cas, la vie me paraît insuffisante lorsque j'embrasse une musique. J'aspire à d'autres expériences. C'est pourquoi l'idée de mourir dans cet état me hante.

Si je connaissais l'heure exacte de ma mort, j'aurais sur les oreilles les écouteurs les plus puissants au monde, réglés à un volume capable d'éclater les tympans, avec l'une de mes playlists en mode répétitif. Des musiques qui me rappelleraient ma mère, mon enfance à Thorland, mes journées sans fin au Collège Catherine Flon, mes moments à la Faculté des Sciences Humaines, mes peines d'Haïti à Brooklyn, à Minneapolis, à Paris, à Sheffield... et mes éternels matins gris à Ottawa. Oui, je dois mourir en musique, avec tous mes rêves réalisés et manqués sur le cœur. Tel est mon dernier vœu. Que je meure en musique !

Gaspard DORÉLIEN, MA Ottawa 20.02.24 12h12 PM


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