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vendredi 6 juillet 2012
L'exil, ce rongeur
Calvitie très prononcée, sourcils plus arqués avec des bouts inachevés, visage allongé, dessinant un V irrégulier, l'ex-président Jean Bertrand Aristide fait son « come back » en Haïti. 7 ans aura duré son exil en Afrique du Sud. De nouvelles lunettes sombres avec montures discrètes couleurs bronze ne réussissent pas à rajeunir le visage amaigri de l'ancien prêtre de St Jean Bosco. Il a vieilli. C'est lisible sur son visage. Sa tête dit long sur les douleurs de son expatriation. Il n'était surement pas heureux loin de son pays.
Il n'a pas perdu son allure soignée de toujours. Son port de chef d'État est intact. Costard bleu marine à deux boutons épousant parfaitement sa mince corpulence. Chemise blanche à boutons de manchette. Une pince de forme arrondie et dorée fixe une cravate rayurée aux couleurs nationales sur un bedon de mannequin. Des mocassins noirs en cuir achèvent l'ensemble. Impeccable !
Le désordre d'un protocole inexistant n'a permis à personne de juger de sa démarche. Accablé et couvert de caméras et de micros, il n'était reconnaissable qu'aux réverbérations du milieu de son crane. Le Docteur Maryse Narcisse, policiers, agents de sécurité peinent à lui frayer un passage. Son déplacement sur la piste est ardu. La foule de journalistes et autres présences de sympathisants sur le tarmac est ingérable. Laborieuse marche jusqu'au salon diplomatique nouvellement aménagé où un pupitre l'attend.
Son éternelle fine moustache, fraîchement coupée, donne un relief prononcé à ses épaisses lèvres. De minuscules plages de cheveux blancs grisonnent sa chevelure. A la télé on voit presque tout. De nouvelles rides cornées partent des deux coins de son nez pour chuter presque à la limite de son menton. Deux autres plissements moins prononcés s'arquant autour de sa bouche renforcent les deux premières. Il a perdu du poids et des cheveux. Mais rien de son discours polyglotte à la sauce populiste. Créole, français, anglais, espagnol, zoulou... ont ponctué les premiers propos officiels de l'ancien exilé. Son élucubration en langues africaines arrachent des sourires à sa première fille Christine, portant des verres et postée à sa droite. « Minouche », le nom affectif donné à sa femme Mildred, complètement grisonnante avec un visage moins vieilli, prend place derrière lui. Michaelle, la dernière fille de l'homme fort du mouvement Lavalas, demeure impassible. Sa belle famille est radieuse. Le retour leur va bien.
Si Jean-Bertrand Aristide a acquis de nouvelles langues, la prononciation des mots anglais demeure toujours un défi. Les quelques phrases anglaises qu'il prononce est un exercice d'épellation de mots. Pourtant l'éloignement ne lui a guère ravi le vocabulaire qui le rapproche toujours de ses sympathisants. Ces mots qui font croire au peuple qu'il est très proche de lui. C'est sans surprise que les micros des journalistes venus à sa rencontre ont accueilli ses premiers mots : « Frè m, sè m... ». Ce rapport confraternel entre lui et peuple haïtien a été une constante dans son discours. Des mots comme coeur, amour... étaient très présents dans son adresse à ses compatriotes haïtiens. Il est aussi reconnaissant envers ses hôtes de l'Afrique du Sud, ses accompagnateurs de la longue traversée de Johannesburg à Port-au-Prince.
Son discours n'a guère été assommant. Il aura appris l'art de la concision durant sa proscription. Sans être trop incisif ni amer il a rappelé la vie dure et indigne des nouveaux habitants des bidonvilles faits de tentes et de bâches dans ce qui reste du Port-au-Prince post-séisme. Il a aussi rappelé l'exclusion de Fanmi Lavalas, son parti, des actuelles élections. Son discours achevé, il envoie des bisous de la main.
Il est revenu. Rongé par une relégation de 7 ans. Surement. Mais il est là. Plus rien ne sera comme avant dans le paysage politique. La Constitution ne lui permet pas de se porter candidat pour un troisième mandat. Mais le poids de son parler, sa capacité de mobilisation semblent n'avoir pas pris grand coup durant son absence. Aux deux compétiteurs à la présidentielle, il n'a fait aucun cadeau. Ni « tèt kale », ni « zogrann » n'aura été zyeuté. Bonjour Titid !
Gaspard Dorélien
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