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mercredi 10 juillet 2019

Les «militants», maîtres des lieux

Ils sont reconnaissables à leurs barbes grisonnantes et leurs lunettes noires. Mais leur caractéristique principale, c'est leur agressivité. Ils s'agrippent aux véhicules Services de l'État et officiels, harcèlent et rançonnent fonctionnaires et passants. Ils s'autoproclament «militants». Aux Palais législatif, au ministère des Affaires sociales et ailleurs. Ils sont maîtres des lieux.


L'image typique de ces hommes qui s'autoproclament
"Miliatants"
Jeudi 14 décembre. 15h15. Une dizaine d'hommes vociférant, l'air on ne peut plus menaçant, luttent contre les agents de sécurité à la barrière du ministère des Finances en face du Palais national. Ils veulent entrer. Un agent de sécurité fait un geste désespéré : il
remonte sèchement son fusil de calibre douze, le doigt pourtant loin de la gâchette. « Les militants » font marche arrière. Ce geste les met davantage en colère. Les voitures parquées devant le Palais des ministères en font les frais. Les «militants» arrachent une plaque «Service de l'État» d'une Sangyong de couleur blanche.

Avec une barre de fer, l'un d'entre eux frappe violemment le capot d'un autre véhicule. «L'impertinence de cet agent de sécurité doit être payé par la mort de l'un d'entre eux, crache un maigrelet, les yeux cachés derrière des lunettes noires. C'est parti pour un nouveau vent de panique. Les «militants» annoncent que des vitres vont être cassées. En face du Palais national. A une minute du quartier général du Corps d'intervention et de maintien de l'ordre (CIMO), ces voyous sont manifestement maîtres des lieux et font la pluie et le beau temps.

Au ministère des Affaires sociales, au cours de la semaine dernière, ces «militants» ont provoqué une véritable panique. Ils ont pénétré de force dans les locaux de l'institution, perturbant le travail des employés. De l'argent. C'est ce qu'ils réclamaient. Comme s'ils étaient eux aussi sous contrat. Plusieurs fonctionnaires de ce ministère, des femmes surtout, déclarent avoir peur de «ces gens» qui les attendent dans la cour et leur réclament tout le temps de l'argent. Contre eux, les agents de sécurité n'y peuvent rien.

«Ils étaient des instruments du pouvoir d'Aristide, explique un leader d'un parti politique très connu. Ministres, directeurs généraux, poursuit-il, les utilisaient à leur gré pour exécuter de sales boulots. Créer des paniques. Ou pour contrer les manifestations
de l'opposition et surtout contre le mouvement GNB. Ils avaient le droit d'entrer dans presque tous les ministères et défiant le système de sécurité des institutions publiques, voire des agents de sécurité rapprochés». Toujours selon cette même source, ces
hommes étaient régulièrement rémunérés. Bien qu'ils ne fournissaient aucun travail dans les entreprises publiques. Souvent, on créait pour eux sur mesure des postes fantômes comme garçons de cours ou responsables du nettoyage, agents de sécurité, etc. Non
satisfaits de ce traitement, ils se mobilisaient devant l'entrée de certains ministères et organismes autonomes, attendant l'arrivée des hauts fonctionnaires ou des officiels pour leur soutirer quelques gourdes. Personne n'était exempté. Les employés constituaient
également des banques à sous pour le repas de ces malfrats.

Durant le mandat de l'équipe transitoire, ces hommes dont le regard est menaçant et qui fumaient de la marijuana sans se cacher, étaient plutôt rares. «Mais depuis l'arrivée au pouvoir de René Préval, sans être invités, précise une secrétaire d'un ministère, ces
rançonneurs ont repris leur place, provoquant des dérapages selon leur gré ou quand ils sont mécontents de leur traitement».

Le jeudi 14 décembre, ils réclamaient du ministère des Finances le «woywoy». L'un d'eux nous explique que ce terme désigne de l'argent. « Chaque fin d'année, nous explique un militant, nous recevons quelque chose pour effectuer des travaux de nettoyage dans nos
quartiers respectifs, mais cette année l'argent a été détourné et distribué à d'autres groupes», prétend-il. De ce fait, ils se préparent à «chauffer» l'espace en cassant des vitres, en salissant les mûrs de graffitis pour contraindre les responsables à leur donner de l'argent. En laissant les lieux, ils lançaient des objets et des pierres dans la cour de ce ministère. Tout cela sous le regard de sentinelles postées au Palais national à travers les
barreaux des guérites. Que pourraient-ils faire d'autre ? Quand les maîtres des lieux sont à l'oeuvre, on ne peut que regarder. Ou prendre la fuite.

 PS: article publié le 15 décembre 2006

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